Saint du Jour 22 MAI SAINT AUSONE ÉVÊQUE ET CONFESSEUR (vers 259)

Si l'Église d'Angoulême reconnaît à bon droit saint Ausone comme son fondateur et son patron, si l'on peut se croire assez assuré des circonstances où il donna sa vie pour son troupeaus il est difficile de satisfaire, par un récit suffisamment authen-tique, la dévotion, avide de connaître pleinement les saints qui ont arrosé et cimenté de leur sang les fondements de nos Églises nationales.
Ausone, par la date de sa mort, semble être né dans les der-nières années du n e siècle chrétien. Son. père et sa mère, Albin et Eugénie, païens de naissance, habitaient Mortagne, non loin de Saintes, lorsque saint Martial vint évangéliser la France, vers le règne de l'empereur Dèce. Dans ses courses, le saint arriva à Mortagne ; il y convertit Albin et Eugénie, dont les âmes étaient droites et naturellement chrétiennes ; il baptisa et s'attacha le petit Ausone. L'ayant emmené jusqu'à Limoges, il reconnut en lui les qualités qui feraient un apôtre ; il lui imposa donc les mains, lui conféra l'ordre du diaconat et, sur son désir, le renvoya dans sa patrie, pour y prêcher la foi.
A cette époque, la ville d'Angoulême était encore entière-ment adonnée au culte des idoles. Dieu aida son apôtre à s'atti-rer l'attention et rnême la bienveillance de la population : la sœur du gouverneur romain était atteinte d'une maladie qui ressemblait bien à une possession diabolique. Ausone la guérit, et par ce miracle conquit non seulement la jeune fille, nommée Caliaga, — qu'il consacra à Dieu, — mais encore son frère et un grand nombre d'habitants Charmé des nouvelles qu'il recevait d'Angoulême, Martial vint alors visiter le peuple que son disciple gagnait à Notre-Seigneur ; pour pourvoir à tous ses besoins, il consacra Ausone évêque et lui confia l'administration de ce pays tout entier, à peine encore éveillé à la lumière divine. Bientôt, avec Caliaga, une autre vierge, également guérie par l'apôtre, Calef agi a, établit aux portes de la ville un monastère florissant. Deux églises s'élevèrent et la religion du Christ se développa rapi-dement.
Ausone donnait tous ses soins à cette propagation ; elle ne se faisait pas du reste sans trouver bien des résistances ; une partie du peuple restait attachée au culte des faux dieux et luttait pour le conserver intact et dominant. L'évêque eut à subir de vraies persécutions ; il les vainquit par sa patience, sa prière et son austérité. Non seulement, grâce à ses travaux, la foi triom-phait en beaucoup d'âmes ; mais il réussit à grouper autour de lui un bon nombre de prêtres et de ministres sacrés, dont il surveillait et excitait le zèle.
Ainsi se passèrent de mauvaises années, qui l'eussent été bien davantage sans doute, — puisqu'elles virent les persécutions de Dèce, de Gallien et de Valérien, — si ces contrées, par leur éloignement de Rome, n'eussent presque échappé au cruel regard des empereurs. Mais une autre catastrophe allait frapper, contre toute attente, cette extrémité de l'Occident, et donner au saint évêque l'occasion de gagner la couronne du martyre.
Tandis que la révolte des tribus kabyles ravageait la Numidie et que les Perses préparaient les armes qui, une fois encore, infli-geraient à l'empire une humiliante défaite, des hordes bar-bares, préludant aux grandes invasions, franchissaient le Rhin et se jetaient sur la Gaule. Le roi des Alemans, Chrocus, profita de l'éloignement de Gallien, fils de Valérien, qui s'était porté vers le Danube. Il avait la haine de la civilisation plus encore que du christianisme, qu'il distinguait sans doute assez mal de la religion officielle. Sur son passage, il renversait et brûlait aussi bien les temples et les monuments civils que les églises ; il massacrait les païens comme les fidèles du Christ.
Après avoir incendié sur le Puy-de-Dôme l'immense et magni-fique temple de Mercure, anéanti les industries dont Clermont s'illustrait, il immolait jusqu'à six mille chrétiens de l'église fondée par saint Austremoine.
Ainsi ravageant, pillant, tuant, il avançait et semait la ter-reur. Il ne voyait guère devant lui, pour s'opposer à sa fureur ou soutenir le courage des malheureux habitants, que les évêques ;
seuls ils essayaient d'apaiser le sauvage agresseur, de traiter avec lui, de racheter les villes. Angoulême voulut arrêter le torrent ; Chrocus l'assiégea. Ausone fut l'âme de la résistance ;
il passait ses nuits en prières et ses jours sur les remparts, rani-mant l'espoir et la vaillance des combattants. Mais enfin il fallut constater l'inutilité de cette lutte inégale. Le blocus qui tenait la ville isolée avait amené la famine. Ausone résolut de se sacrifier pour son peuple en attirant sur lui seul la colère du roi barbare. Revêtu de ses ornements épiscopaux, il sortit par la porte orientale, près de laquelle campait Chrocus. Il se pré-senta ferme, mais humble, revendiqua pour lui seul toute la responsabilité et demanda grâce pour la ville. Cette généreuse prière ne désarma pas le sauvage. « C'est toi, dit-il à l'évêque, qui es le chef de la religion chrétienne? Ne sais-tu pas que je suis dieu et l'envoyé des dieux? Adore-les. — Je suis disciple du Christ, répondit Ausone, je suis évêque. Je resterai l'un et l'autre. — Eh bien ! tu mourras ! » Et Chrocus ordonna de lui trancher la tête.
Par quel miracle borna-t-il là sa vengeance? Angoulême fut épargnée. La légende raconte qu'une nuée épaisse en déroba les murs aux yeux des troupes barbares. Elles se détournèrent et se dirigèrent vers Arles, où les attendait et les dispersa l'épée romaine.