Saint du Jour 26 MAI SAINT PHILIPPE DE. NÉRI CONFESSEUR (1515-1595)

Saint Philippe de Néri naquit à Florence le 22 juillet 1515, d'une famille fort honorable. L'enfant montra dès son bas âge une nature douce, aimable, qui se portait sans peine à l'obéis-sance et à la piété; si bien qu'on l'appelait familièrement le bon Pippo. Du reste son père, François, veillait à donner à ses trois enfants, — deux filles et une fils, — une éducation forte et ne passait à Philippe nulle faute, si légère fût-elle. Après de bonnes études faites près de lui, il l'envoya chez un de ses frères, nommé Romulus, qui habitait au sud de l'Italie, non loin du mont Cassin. Le jeune homme, — il avait alors 18 ans, — devait se former, près de son oncle, au commerce ; et Romulus, qui était fort riche, ne lui cachait pas sa volonté de le faire son héritietf.
Mais Philippe avait dès lors de bien autres idées. Deux ans écou-lés, sans prévenir son oncle, il vint à Rome et se cacha dans la demeure d'un charitable citoyen nommé Galeotto Caccia.
Celui-ci, qui l'avait reçu comme un pèlerin, charmé de sa vertu, le garda volontiers et même lui fournissait le grain nécessaire à sa nourriture. Philippe n'avait que peu de besoins : il ne vivait que de pain et d'eau, dormait à terre ; mais il se livrait à la prière, pour laquelle il avait le plus vif attrait. Dès lors on admi-rait sa sainteté et spécialement la modestie dont il enveloppait et garantissait son angélique pureté, cette pureté jalousement gardée toute sa vie et qui est devenue comme une de ses carac-téristiques.
A Rome il étudia la philosophie, dont il suivit les cours au Collège romain ; puis la théologie, où il prit pour maître saint Thomas. Il fit en ces sciences des progrès tels, que toute sa vie on admira ses profondes connaissances. Et pourtant, — ses cours achevés, sans oser lever les yeux jusqu'au sacerdoce, — en 1537 il vendit tous ses livres pour en donner le prix aux pauvres et résolut de vivre d'oraison et de charité. Il priait, toute la nuit souvent, longuement dans le jour; il aimait à visiter les sept basiliques de Rome : ce fut toujours une de ses dévotions prin-cipales, au-dessus desquelles planaient son culte pour la sainte Eucharistie et sa filiale piété pour la Vierge mère de Dieu. Dans sa prière, il éprouvait des consolations, des extases qui lui fai-saient crier vers Dieu : « Assez, Seigneur, assez ! » Et l'amour divin faisait battre son cœur à coups si violents, qu'il dilata sa poitrine et rompit deux de ses côtes.
Il ne faudrait pas croire cependant que les faveurs célestes écartassent de lui toutes les difficultés de la vertu. Loin de là.
Longtemps il fut tenté : le démon de l'impureté lui tendit de nombreuses et périlleuses embûches,, dont sa nature était la complice. Mais il combattait celle-ci par la mortification, jeû-nant, serrant son corps dans des chaînes de fer, le.- flagellant.
Contre celles-là, par la grâce de Dieu il se montra si fort, que la lutte se* termina enfin par une victoire complète, et doréna-vant rien ne fut capable de l'émouvoir. Même, en récompense de son courage, Dieu donna à sa chasteté de répandre autour de son corps une suave odeur de parfums et de distinguer les victimes du vice à une infection spéciale telle, qu'il devait par-fois se détourner et se boucher les narines.
Mais avec la tendre assiduité à l'oraison, ce qui caractérise le mieux saint Philippe de Néri, c'est l'abondance de sa charité, ses œuvres de miséricorde. Dès qu'il fut à Rome, il commença de s'y adonner. Il visitait fréquemment les hôpitaux, attentif aux maux corporels, mais plus encore aux besoins spirituels ;
il pénétrait dans le misérable taudis des pauvres, pour les con-soler et les secourir, surtout pour les ramener à la pratique de leurs devoirs religieux ; il s'entourait de bandes d'enfants, dont il partageait même les jeux puérils, afin de les éloigner du mal et d'avoir l'occasion de les conduire à Dieu; il avait une prédi-lection pour les étudiants, si fort exposés par l'âge et les tenta-tions qui les assiègent ; il les entretenait aimablement, mettait à leur disposition sa science, les emmenait à de joyeuses par-ties, — car il fut gai toujours par nature et par vertu, — se rendait maître de leurs âmes, et finalement les tournait vers les plus hautes pensées, les dirigeait vers le cloître ou le sacer-doce. Lui, cependant, restait au dehors, malgré les invites qu'on lui faisait, et saint Ignace de Loyola, qui l'aimait, l'appelait plaisamment Philippe la Cloche, parce qu'il appelait les fidèles à l'église sans y entrer lui-même.
Il cherchait sa voie. En 1549 il fait un premier pas : avec son confesseur Persiano Rosa, ému de rencontrer dans Rome tant de pèlerins et de pauvres sans gîte, il fonde ïAssociation de la Sainte-Trinité. Elle se réunit pour des exercices de piété, chaque jour, à l'église de Saint-Sauveur del Campo, et puis se répand à travers la ville pour recueillir les gens sans asile et les abriter dans des maisons louées par elle. Deux ans après, un pas encore, plus important : Persiano Rosa lui persuade, lui ordonne de recevoir les ordres sacrés. Le 23 mai 1551, il est prêtre. Dès cette heure bénie il se joint à la pieuse réunion des prêtres de Saint-Jérôme de la Charité : ils ne constituent ni un ordre ni même une confrérie; ils se contentent d'habiter sous le même toit, de célébrer dans la même église. Cependant Phi-lippe s'y attachera si fortement, peut-être parce qu'il y trouve d'abondantes humiliations, de cruelles souffrances, qu'il ne quittera cet asile, où il occupe une^ misérable chambrette, que forcé par d'irrésistibles circonstances.
Par le sacerdoce, son ministère s'étend, devient d'une fécon-dité merveilleuse. Il continue sans doute ses autres oeuvres ;
mais il entend les confessions et tout de suite se révèle un maître en direction spirituelle. La porte de la maison, la porte de sa chambre sont toujours ouvertes à tout venant, même lorsqu'il prie. Et Dieu sait si elles sont assiégées. A sa science, à sa tendre pitié, à sa connaissance expérimentale de la vie intérieure, il joint le don miraculeux de lire dans les consciences, et bien souvent il précède les pénitents dans leurs aveux, en faisant le premier leur confession. Il connaît l'avenir, le prédit, en dévoile les menues circonstances ; longtemps à l'avance il annoncera sa mort, comme il a annoncé celle de plus d'un de ses disciples.
Son grand moyen de perfection, de correction même, c'est, avec la dévotion à Marie, l'usage fréquent, très fréquent, de la confession, de la communion. Ainsi délivre-t-il des habitudes coupables, de même qu'il fait avancer rapidement vers la sain-teté.
Mais voici qu'une tentation le menace, va l'emporter, tenta-tion de saint : le désir des missions étrangères, du martyre, s'em-pare de lui ; il saisies merveilles qu'aux Indes fait saint Fran-çois-Xavier, il brûle de les accomplir lui aussi. Avec vingt jeunes gens, il est prêt à partir ; mais son humilité consulte, et Dieu lui fait répondre, par une révélation, que ses Indes à lui, c'est Rome. Il y restera donc, tellement que, de 1535 à 1595, il n'alla jamais plus loin que Saint-Paul-hors-les-murs.
Il se rattache donc plus étroitement à ses œuvres. Il obtient d'établir une chapelle au-dessus de la voûte de l'église de la Charité. En 1558, il y pose les premiers fondements de sa congrégation de l'Oratoire; mais il ne sait pas encore ce qu'il élèvera sur eux. Pour le moment ce n'est qu'une association très fervente, où l'on prie beaucoup, où l'on exerce le bien sous toutes ses formes. Et déjà on y voit celui qui sera l'illustre cardinal Baronius, la gloire de l'Oratoire futur.
Le bien qu'il fait, — et avec lui son association, — engage de nobles Florentins habitant Rome à lui offrir une église qui dépend d'eux, Saint-Jean-Baptiste. Contraint par le pape Pie IV, il accepte, à condition toutefois de rester lui-même à Saint-Jérôme. Et c'est là que va être le vrai berceau de sa congrégation, jusqu'à ce que, en 1577, elle soit transférée à Sainte-Marie in Vallicella, que lui donnera Grégoire XIII.
A l'Oratoire, on ne fait pas les vœux de religion ; mais l'obéis-sance y est de règle, elle est étroite, aussi bien que la pauvreté.
Le vrai lien, le véritable esprit, c'est la charité fraternelle. Le nom même indique que la prière est la première fonction de ses membres; mais l'apostolat se joint à elle, comme son résultat, son fruit nécessaire. Chaque jour on prêche quatre fois dans l'église ; trois fois par semaine, la réunion du soir, où l'on n'admet que les hommes, se termine par une discipline sévère, prise en commun. Le travail intellectuel est approuvé, conseillé;
mais il ne doit jamais entraver aucun exercice de zèle. Pour mieux favoriser la charité, le nombre des confrères sera très limité ; si on fonde d'autres maisons, — qui seront rares, — elles seront autonomes ; aucun lien ne les réunira à l'Oratoire romain, pas même la communauté d'un supérieur général.
C'est en 1583 seulement que Philippe quitta Saint-Jérôme pour Vallicella. Alors il compléta sa fondation, acheva les constitu-tions,. Alors il fut, malgré ses résistances, élu par ses fils comme supérieur général à vie. Néanmoins il n'exerça cette charge que jusqu'en 1593. Ses instances obtinrent alors du pape qu'il pût résigner ses fonctions : Baronius lui succéda dans le gouverne-ment de l'Oratoire de Rome. Ses enfants en eurent un profond chagrin ; ils aimaient sa direction paternelle et tendre, ferme cependant et sans répit poussant vers l'abnégation totale.
Du reste ne donnait-il pas l'exemple le plus éloquent d'un dévouement toujours en éveil, d'une charité toute divine, d'une humilité avide d'épreuves et d'opprobres, tout cela dans une simplicité, un entrain, une gaieté même qui semblait enseigner qu'une telle perfection n'avait que des charmes et ne coûtait point d'efforts?
Ainsi le saint vieillard atteignit sa quatre-vingtième année.
Au mois de mai 1595, pris d'un vomissement de sang très vio-lent, il reçut l'extrême-onction. A la vue de Notre-Seigneur entrant sous les saintes Espèces dans sa pauvre chambre, il eut un transport de joie : « Voilà, s'écriait-il, voilà mon amour!
Voilà mon bien! Donnez-moi mon amourI » Il vécut encore près d'un mois, avec des alternatives de santé et de souffrances.
Le 25 mai, il dit la sainte messe, entendit de nombreuses confes-sions ; il semblait reposé et se coucha très calme. Soudain, vers 11 heures du soir, il fut repris du mal, dont la violence ne laissa bientôt plus d'espoir. Accourus autour de lui, ses enfants le regardaient en pleurant. « Père, gémit Baronius, vous partez sans rien nous dire? » Le Saint, les yeux au ciel, leva la main pour bénir ; puis il ferma les yeux et doucement expira. Il était environ minuit.