Des quatre principales portes de l’enfer.
[Defixoe sunt in terra portoe ejus (Thren. II.
9.)].
La voie qui conduit aux enfers est large, et le
nombre de ceux qui la suivent est considérable. Spatiosa via est
quoe ducit ad perditionem, et multi intrant per eam. (Matth. VII. 13.).
Or l’enfer a plusieurs portes, ces portes sont placées sur notre
terre : Defixoe sunt, etc. Ce sont les vices par lesquels les hommes offensent
Dieu et attirent sur eux les châtiments et la mort éternelle.
De tous les vices, ceux qui font tomber aux enfers le plus d’âmes,
sans parler des punitions temporelles qu’ils attirent, sont au nombre de
4 : la haine, le blasphème, le vol et l’impureté. Voilà
les 4 principales portes par lesquelles on entre aux enfers ; c’est de
ces 4 portes que je veux vous parler aujourd’hui afin que nous nous corrigions
promptement. Si nous tardons trop, Dieu y mettra la main, mais ce sera
pour notre perte.
La première porte de l’enfer, c’est la
haine ; car de même que le paradis est un royaume d’amour, l’enfer
est un lieu de colère et de haine. Mon père, dira quelqu’un
d’entre vous, je suis sensible et reconnaissant, j’aime beaucoup mes amis,
mais je ne puis souffrir qu’on me fasse le moindre tort. Mais, mon cher
frère, ce que vous dites là, les barbares de l’Orient le
disent aussi. Nonne ethnici hoc faciunt ? (Matth. V. 47.). Vouloir du bien
à qui vous fait du bien, c’est une chose toute naturelle ; non-seulement
les peuples sauvages le pratiquent ainsi, mais les bêtes féroces
elle-mêmes, se montrent sensibles aux bienfaits. Ego autem dico vobis
: Diligite inimicos vestros. Voyez, dit Jésus-Christ, quelle est
la loi que je vous propose de suivre ; c’est une loi toute d’amour ; je
veux que vous aimiez vos ennemis. Benefacite eis qui oderunt vos ; que
vous fassiez du bien à ceux qui vous haïssent. Et orate pro
persequentibus vos, que vous priiez pour ceux qui vous poursuivent, si
vous ne pouvez faire autre chose ; de cette manière vous serez véritablement
le fils de Dieu. Ut sitis filii patris vestri qui in coelis est. (Matth.
Ibid.). Saint Augustin a donc raison de dire que l’amour seul fait reconnaître
les fils de Dieu et les distingue des fils du démon. Sola dilectio
discernit inter lilios Dei et filios daiboli. Ainsi ont fait les saints,
ils ont aimé leurs ennemis. Une femme avait calomnié sur
ses mœurs Sainte Catherine de Sienne ; elle tomba dangereusement malade
; la Sainte alla remplir auprès d’elle les fonctions de domestiques.
Saint Acaje vendit ses habits pour secourir un homme qui avait voulu lui
ravir la réputation. Saint Ambroise assigna une pension à
un assassin qui avait attenté à sa vie, pour qu’il pût
vivre commodément. Voilà ceux qui véritablement pouvaient
s’appeler fils de Dieu. C’est une étrange chose, dit Saint Thomas
de Villeneuve ; combien de fois aurons-nous reçu quelque déplaisir
de la part d’un homme ? un ami s’interpose, et nous pardonnons. Dieu nous
ordonne de pardonner, et nous ne voulons pas obéir.
Celui-là peut seulement espérer
le pardon, qui l’accorde lui-même à ses ennemis ; il a la
promesse formelle de Dieu : Dimittite et dimittemini (Luc. VI. 37.). Dimmittendo
aliis, disait Saint Chrysostôme : Veniam tibi dedisti. Mais celui
qui veut se venger des autres, peut-il prétendre par lui-même
au pardon de ses fautes ? il ne peut réciter l’oraison dominicale
sans se condamner lui-même : Seigneur, pardonnez-moi comme je pardonne
à mes ennemis ; or il veut se venger de ses ennemis, c’est donc
comme il disait à Dieu : Seigneur, ne me pardonnez pas, parce que
je ne veux point pardonner. Tu in temetipsum fers sententiam. Tu prononces
toi-même ta sentence, disait Saint Jean Chrysostôme, tu peux
bien t’attendre à être jugé sans miséricorde,
puisque tu ne veux pas en avoir pour ton prochain. Judicium eum sine misericordia
illi qui non fecerit misericordiam. (Jac. II. 3.). Osera-t-il demander
à Dieu le pardon de ses fautes celui qui ne pardonne pas à
son ennemi comme Dieu le lui ordonne ? Quâ fronte indulgentiam peccatorum
obtinere poterit qui proecipienti dare veniam non acquiescerit ? Ainsi,
mon cher frère, si vous prétendez vous venger, vous pouvez
d’avance renoncer au paradis. Foris canes. (Apoc. XXII. 15.). Les chiens,
à cause de leur naturel, sont regardés comme le symbole des
vindicatifs ; ces chiens, avides de vengeance, sont repoussés du
paradis : ils ont un enfer dans ce monde, ils en trouvent un dans l’autre.
L’homme haineux, dit Saint J. Chrysostôme, n’a jamais de paix ; sa
vie est un orage. Qui inimicum habel, numquam fruitur pace ; perpetuo oestruat.
(Homil. 22.).
Mais, direz-vous, cet homme m’a ôté
l’honneur : honorem meum nemini dabo. Voilà la belle sentence qu’ont
toujours à la bouche ces chiens infernaux qui veulent se venger
; il m’a ôté l’honneur, je veux lui ôter la vie. Vous
voulez lui ôter la vie ! Etes-vous donc le maître de la vie
d’un homme ? Dieu seul en est le maître : Tu es Domine, qui vitoe
et mortis habes potestatem. (Sap. XVI. 23.). La vengeance n’est permise
qu’à Dieu : Mea est ultio, et ego retribuam in tempore. (Deut. XXXII.
35.). Mais quel autre remède, dites-vous encore, pour mon honneur
outragé ? Comment ? Pour votre honneur vous voulez donc fouler aux
pieds l’honneur de Dieu ? Ne savez-vous pas, dit Saint Paul, que lorsque
vous agissez contre la loi de Dieu, vous déshonorez Dieu : Per proevaricationem
legis Deum inhonoras. (Rom. II. 13.). De quel honneur parlez-vous ? Est-ce
de l’honneur d’un sauvage, d’un idolâtre ? L’honneur d’un chrétien
est d’obéir à Dieu et d’observer sa loi. Mais les autres
me regardent comme un homme vil ; dites-moi, vous dit Saint Bernard, si
votre maison allait s’écrouler sur vous, manqueriez-vous de fuir
parce que les autres vous tiendraient pour poltron ? Et pour ne pas encourir
le blâme des autres, vous voulez vous-même vous condamner aux
peines de l’enfer. Si vous pardonnez, les gens de bien vous loueront. Voulez-vous
dignement vous venger, dit Saint J. Chrysostôme, faites du bien à
votre ennemi : Beneficiis eum affice et ultus es. (Hom. XX. 6.). Car alors
c’est de votre ennemi, non de vous qu’on pensera mal. Il n’est point vrai
d’ailleurs q’un homme perde l’honneur, parce qu’après avoir reçu
une injure, il dira : je suis chrétien, je ne puis ni ne dois me
venger. Assurément, il ne perdra point l’honneur, et il sauvera
son âme. Celui qui se venge sera châtié de Dieu non-seulement
dans l’autre vie, mais encore dans celle-ci. Qu’il parvienne à se
soustraire à la justice des hommes, cela se peut ; mais quelle vie
que la sienne ! toujours obliger de fuir ou de se cacher, poursuivi par
la crainte ou par la vengeance même des parents de la victime, et
plus encore par les remords, privé de la grâce divine, condamné
aux peines de l’enfer, aura-t-il un seul instant de repos et de bonheur
? Et remarquez bien, mes auditeurs, que le désir de la vengeance
est un pêché aussi grave, que la vengeance même. S’il
nous arrive donc de recevoir une injure, qu’avons-nous à faire ?
Au moment même où l’injure a le plus excité notre ressentiment,
ayons recours à Dieu et à la Sainte Vierge, prions-les de
nous aider, de nous donner la force de pardonner ; écrions-nous
: Seigneur, je pardonne par l’amour de vous l’offense qui m’a été
faite ; daignez me pardonner celles que vous avez reçues de moi.
Passons à la seconde porte de l’enfer,
le blasphème. Quelques personnes, dans l’adversité, ne s’en
prennent pas aux hommes, mais elles s’attaquent à Dieu même,
d’abord en blasphémant contre ses saints, ensuite en le maudissant
lui-même. Savez-vous, mes frères, quel énorme péché
est le blasphème ? Omne peccatum comparatum blasphemioe, dit un
auteur, levius est. Blasphemia pejus nihil, ait dit Saint J. Chrysostôme.
(Hom. 1. ad pap. Ant.). Les autres péchés, dit Saint Bernard,
proviennent de fragilité ; celui-ci est out entier le fruit de la
malice : Alia-peccata videntur procedere ex fragilitate et ignorentia sed
blasphemia procedit ex propia malilia. (Sem. 33.). C’est donc avec raison
que Saint Bernardin de Sienne appelle le blasphème péché
diabolique, car, semblable au démon, le blasphémateur insulte
face à face le Dieu qu’il connaît. Il est pire que les chiens,
car les chiens ne mordent pas le maître qui les nourrit, mais le
blasphémateur outrage Dieu son bienfaiteur. Quel supplice sera donc
suffisant, dit Saint Augustin, pour punir un crime aussi horrible ? Quoe
suppicia sufficient cum Deo fit tam nefaria injuria ! (De Civ. Dei. Cap.
IX). Nous ne devons pas nous étonner, dit le Pape Jules III dans
sa bulle XXXIII, que les calamités qui nous affligent ne cessent
pas quand nous voyons au milieu de nous un tel péché : Minime
mirandum si flagella non amoveantur. Lorinus (in cap. 24. Levit) dit que
dans le préambule de la Pragmatique-Sanction en France on lit que
le roi Robert priant pour la paix du royaume, le crucifix lui répondit
qu’il n’aura jamais la paix dans son royaume, tant que la race des
blasphémateurs n’en aura pas été complètement
extirpée. Le Seigneur menace de destruction le royaume où
règne ce vice maudit : Blasphemaverunt sanctum Israel,… terra deserta
desolabitur. (Is. I. exV. 4.).
Oh ! que ne se trouve-t-il des hommes capables
de faire ce que dit Saint J. Chrysostôme : Contere os ejus, percussione
manum tuam sanctifica. Il faudrait briser la bouche de ces maudits blasphémateurs
et ensuite les lapider, comme l’ordonnait l’ancienne loi : Qui blasphemaverit
nomen domini, lapidibus obruet eum monis mutitudo. (Lev. XXIV. 16.). Mais
il vaudrait mieux leur faire le traitement qu’ils recevaient en France
au temps de Saint Louis, leur percer les lèvres d’un feu brûlant.
Il arriva qu’un noble ayant blasphémé, un grand nombre de
personnes allèrent intercéder pour lui auprès du roi,
le conjurant de lui épargner le supplice auquel on l’avait condamné
; mais le roi demeura inflexible, et il voulut que la sentence fût
ponctuellement exécutée, et comme quelques personnes l’accusaient
de cruauté, il répondit qu’il aurait mieux aimé subir
le supplice lui-même que de souffrir que Dieu fût outragé
dans son royaume.
Dites-moi, blasphémateur, de quel pays
êtes-vous ? Je répondrai pour vous ; vous êtes de l’enfer.
Saint Pierre dans la maison de Caïphe, fut reconnu pour Galiléen
à son langage : Vere et tu ex illis es, nam et loquela tua manifestum
te facit. (Matth. XXVI. 73.). Quel est le langage des damnés ? Le
blasphème : Et blasphemaverunt Deum coeli proe doloribus et vulneribus
suis. (Apoc. XVI. 11.). Quel fruit retirerez-vous de vos blasphèmes
? Vous n’en retirerez aucun profit temporel ; ne voyez-vous pas au contraire
que ce sont vos blasphèmes qui vous tiennent dans l’indigence ?
Miseros facit populos peccatum. (Prov. XIV. 34.). Vous n’en retirerez pas
du plaisir ; car quel plaisir sauriez-vous prendre à blasphémer
les saints. Plaisir de réprouvé ; le premier moment de fureur
passé, quelle peine, quelle amertume je vois au fond de votre cœur
! Les saints vous font-ils quelque reproche ? De quoi vous plaignez-vous
contre eux ? Il vous assistent, ils prient pour vous, et vous les maudissez
? Ah ! mon frère, prenez la ferme résolution de vous corriger
promptement de ce vice. Prenez-y garde, si vous ne vous corrigez pas de
bonne heure, vous le traînerez jusqu’à votre dernière
heure, et vous ferez comme beaucoup d’autres qui sont morts le blasphème
à la bouche. Mais que puis-je faire, me dites-vous, lorsque j’entre
dans un accès de fureur ? Eh quoi ! ne trouvez-vous donc des expressions
que pour blasphémer ; dites plutôt : Maudit soit mon péché
; dites : Vierge Sainte, donnez-moi de la patience ! Cette fureur, cette
effervescence de la passion se calmera et vous trouverez la grâce
de Dieu, et si vous dédaignez ce conseil, qu’aurez-vous ? Plus de
tourments, et puis l’enfer.
Voyons maintenant une autre grande porte de l’enfer,
par laquelle entrent un grand nombre d’hommes : je veux dire le vol. Il
y en a qui font leur dieu de l’argent, et qui regardent l’argent comme
le but unique de toutes leurs actions : Simulacra gentium argentum et aurum.
(Psalm. CXIII. 14.). Mais l’apôtre condamne ces hommes avides : Neque
fures, neque rapaces regnum Dei possidebunt. (I. Cor. VI.9.). Le vol, dit
Saint Augustin, n’est pas le plus grand péché mais c’est
le plus dangereux pour le salut : Nullum peccatum periculisum furto. En
voici la raison ; c’est que pour obtenir le pardon des autres péchés,
il suffit d’en avoir un véritable repentir ; mais le repentir ne
suffit pas dans le cas de vol ; il faut encore la restitution des objets
volés, et cette restitution est difficile à faire. Un certain
ermite eut une vision. Il vit Lucifer sur son trône demandant à
un démon pourquoi il était resté si longtemps absent,
celui-ci répondit qu’il s’était arrêté à
tenter un voleur pour l’empêcher de restituer. Alors Lucifer ordonna
qu’on châtiât sévèrement ce démon maladroit.
A quoi bon lui dit-il, perdre ainsi le temps ; ne sais-tu pas que celui
qui s’est emparé du bien d’autrui, ne le restitue pas ? Et en vérité
la chose n’est que trop réelle. On s’attache au bien dérobé
comme à son propre sang, et il en coûte un peu trop de se
priver de son sang pour les autres. L’expérience de chaque jour
le démontre. Il se commet d’innombrables vols : combien voit-on
de restitutions ?
Gardez-vous, mon cher frère de prendre
ou de retenir le bien d’autrui, si vous avez sur ce point quelque reproche
à vous faire, apportez au mal un prompt remède. Si vous ne
pouvez à la fois restituer en entier, faites-le peu à peu,
sachez que le bien d’autrui ne prospère pas dans les mains du ravisseur.
Vous avez dépouillé les autres, les autres vous dépouilleront,
dit le prophète : Quia tu spoliasti gentes multas, spoliabunt te
omnes. (Habac. II. 9.). Le bien d’autrui porte malheur : Hoec est malediction,
quoe egretur super faciem omnis terroe… et veniet ad domum furis. (Zach.
V. 3.). Cela signifie, dit Saint Grégoire de Naziance, que celui
qui retient le bien d’autrui, perdra tôt ou tard ce bien et le sien
propre : Qui opes inique possidet, etiam suas amittit. Les biens d’autrui
sont comme le feu et la flamme ; ils détruisent tout ce qu’ils touchent.
Mères, épousent, soyez attentives,
quand vos fils ou vos maris apportent chez vous des objets dérobés,
n’applaudissez point, ne gardez point un coupable silence ; reprochez leur
amèrement leur faute. Tobie entendit un agneau bêler dans
sa maison ; allez voir, dit-il allez voir à qui appartient cet agneau,
et qu’on le rende à son maître : Videte ne forte futivus sit
; reddite eum. (Tob. II. 21.). Saint Augustin dit que Tobie, parce qu’il
aimait Dieu, nolebat sonum furti audire in domo. Certaines gens en s’appropriant
le bien d’autrui, font quelques aumônes pour tranquilliser leurs
consciences ; mais non vult Christus rapina nutriri, dit Saint J. Chrysostôme
; le Seigneur ne veut pas qu’on le revête de parures empruntées.
Au reste, les vols des nobles et des grands personnages, sont les injustices,
le dommage causé aux autres, le tort qu’on fait aux pauvres en les
privant de ce qui leur est dû. Ce sont là de véritables
vols qui obligent à l’entière réparation du préjudice
; mais la restitution est ici très difficile à faire, et
faute de la faire beaucoup de gens se damnent.
Nous arrivons enfin à la quatrième
porte de l’enfer, celle par laquelle entrent le plus grand nombre des damnés
: l’impureté. L’impureté, dit-on, n’est pas un péché
bien grave. Comment ? il n’est pas bien grave ! N’est-ce donc pas un péché
mortel ? Ce péché est si révoltant, dit Saint Antonin,
que les démons eux-mêmes ne peuvent le supporter. Il y a même
des docteurs qui soutiennent que certains démons qui ont été
d’un rang supérieur aux autres, se rappelant leur ancienne noblesse,
dédaignaient de tenter l’homme pour ce péché ; figurez-vous
donc combien d’horreur et de dégoût devra inspirer au Seigneur
celui tel qu’un chien effronté, ou tel qu’un animal immonde se vautrera
dans la fange de ce vice détestable : Canis reversus ad suum vomitum,
et sus lota in volutabro luit. (II. Petre. II. 22.). Mais les impudiques
prétendent que Dieu aura compassion de ceux qui se livrent à
ce péché, parce qu’ils sont de chair et par conséquent
fragiles. Quel langage est-cela ? Ignorez-vous que les plus terribles châtiments
que Dieu a infligés aux hommes ont toujours été la
peine de ce péché ? C’est l’écriture sainte qui nous
le dit, si Dieu a quelquefois montré du repentir d’avoir créé
l’homme , dit Saint Jérôme, c’est parce que l’homme s’est
rendu coupable de ce péché hideux : Poenituit eum quod hominem
fecisset… omnis quippe caro corruperat viam suam. (Gen. VI.). Et c’est
pour cela, dit Eusèbe, que les châtiments ont été
si rigoureux : Pro nullo peccato tam manifestam justitiam exercuit Deus,
quam pro isto. (Euseb. Epist. Ad Dama.). Le feu du ciel tombé sur
5 villes, engloutit dans un gouffre de feu tous leurs habitants coupables
d’impureté. Ce fut pour la même cause que Dieu envoya le déluge
universel qui fit périr tout le genre humain, une famille exceptée.
Ce péché Dieu ne le punit pas seulement dans l’autre vie,
il le punit encore dans celle-ci. Il suffit pour s’en convaincre d’entrer
dans un hospice. Combien de jeunes auparavant forts et robustes, aujourd’hui
pâles, blêmes, exténués, pleins de douleurs,
mutilés en expiation de ce péché maudit : Oblita es
mei, et projecisti me post corpus tuum ; tu quoque porta scelus tuum et
fornicationes tuas. (Ezech. XXIII. 25.). Puisque tu m’as oublié,
dit le Seigneur, et que pour le misérable plaisir de ton corps tu
t’es éloigné de moi, je veux qu’à compter de cette
vie même tu portes le prix de ta scélératesse.
Dieu a compassion de ce péché ?
et c’est celui qui traîne le plus d’âmes aux enfers. La plus
grande partie des damnés, dit saint Rémi, ne le sont que
pour leur impureté. Le P. Segneri dit que l’impureté rempli
le monde de pécheurs et l’enfer d’âmes. Hoc peccatum,
dit Saint Bernard, quasi totum mundum trahit ad supplicium. (Tom. IV. Serm.
21.). Saint Isidore avait dit avant Saint Bernard : Magis per luxuriam
humanum genus subditur diaboli, quam per coetera vitia. (Lib. II. Sen.
Cap. 3.). La raison en est simple, c’est que notre inclination naturelle
nous porte à ce vice. Aussi le docteur angélique dit-il que
le démon se complaît infiniment à voir l’homme livré
à ce péché, parce que ce péché attache,
et qu’une fois plongé dans le vice, il est presque impossible d’en
sortir. Nullus in peccato tenacior, dit Saint Thomas de Villeneuve, quam
luxuriosus. (Cap. I. de S. Ildeph.). Il y a plus, ce vice nous ôte
la lumière céleste au point que l’impudique oublie Dieu tout
à fait. Voluptates impudicoe, dit Saint Laurent Justinien, oblivionem
dei inducunt. (De lib. Vitae.). cela se rapporte à ses paroles du
prophète Osée. Non dabunt cogitationes suas, ut revertantur
ad Deum suum, quia spritus fornicationum in medio eorum et Doninum non
cognoverunt. (Os. V.). L’impudique méconnaît Dieu ; il n’obéit
plus ni à Dieu ni à la raison, comme le dit Saint Jérôme.
Il n’obéit qu’à l’effervescence des sens, qui le rendent
semblable aux bêtes. Nec paret rationi qui empetu ducitur. (S. Hier.
In ep.).
Comme ce péché flatte les sens,
il fait de suite contracter des habitudes funestes qui durent jusqu’à
la mort. Vous verrez souvent des hommes mariés et même des
vieillards décrépits livrés à de mauvaises
pensées et à tous les péchés de leur jeunesse.
Ce péché d’ailleurs est si aisé à commettre
que les fautes se multiplient au-delà de tout nombre. Demandez à
un de ces pécheurs combien de fois il s’est abandonné à
ses mauvaises pensées, il vous dira qu’il ne s’en souvient pas.
Mais, mon cher frère, si vous ne connaissez plus le nombre de vos
péchés, Dieu s’en souviendra ; et vous savez bien qu’un seul
de ces péchés suffit pour vous précipiter dans l’enfer.
Combien de paroles obscènes que vous avez proférées
complaisamment, au grand scandale des autres ! Or, des pensées et
des paroles on arrive aux faits et l’on finit par se plonger dans les voluptés
les plus immondes, sus in volutabro lutti, sans se rassasier jamais, et
voilà pourquoi ce péché se renouvelle chaque jour,
et à chaque instant. Mais quel parti prendre, dites-vous, contre
tant de tentations dont je suis assailli ? Je suis fragile, je suis de
chair. Eh bien ! puisque vous êtes fragile, que ne vous recommandez-vous
à Dieu et à la Vierge Marie, source de toute pureté
? Puisque vous êtes de chair, pourquoi ne fuyez-vous pas l’occasion
? Pourquoi ne mortifiez-vous pas vos regards ? Saint Louis de Gonzague
ne levait jamais les yeux sur une femme, même sur sa mère.
Observez encore que le péché d’impureté est souvent
cause de beaucoup d’autres péchés ; qu’il fait naître
des haines violentes, qu’il provoque au vol, et surtout qu’il entraîne
au sacrilège dans la confession et dans la communion, parce que
qu’on rougit d’avouer toutes se faiblesses. Remarquons de plus en passant
que c’est à la suite des sacrilèges que viennent les maladies
et la mort. Qui enim manducat et bidit indigne, dit l’apôtre, judicium
sibi manducat et bidit, non dijudicans corpus Domini… Ideo inter vos multi
infirmi et imbecilles, et dormiunt multi. (I Cor. XII. 19.). Saint Chrysostôme,
en expliquant ce texte, dit que saint Paul parle de ceux qui sont punis
par des maladies mortelles pour avoir reçu les sacrements en état
d’indignité. Quando quidem peccabant quod participes fierent mysteriorum,
non expurgata conscientia. (Chrys. In cap. 3 Isa.).
Toutefois, mon cher frère, je ne veux
point que vous vous livriez au désespoir, s’il vous arrive de vous
trouver plongé dans des habitudes vicieuses ; mais levez-vous et
sortez promptement de cette porte d’enfer, promptement, et tandis que Dieu
vous éclaire et qu’il vous tend la main pour vous soutenir. La première
chose à faire, c’est d’éviter les occasions ; car autrement
tout sera inutile : sermons, bons propos, larmes, confessions ; fuyez les
occasions et puis recommandez-vous sans cesse à Dieu et la Vierge
Marie, Mère de la chasteté. Quand vous éprouverez
quelque tentation, ne vous arrêtez pas à discuter avec elle,
mais invoquez soudain les noms de Jésus et de Marie. Ces noms sacrés
mettent le démons en fuite, et ils éteignent l’ardeur infernale
qui vous brûle ; si le démon continue à vous tenter,
continuez à invoquer Jésus et Marie, et certainement vous
ne tomberez pas. Pour déraciner ensuite les mauvaises habitudes,
tâchez de faire quelque dévotion particulière à
la Sainte Vierge : commencez le samedi à jeûner en son honneur
; allez chaque jour visiter quelqu’une de ses images ; priez-la de vous
délivrer du vice qui vous afflige. Ne manquez pas le matin, aussitôt
à votre lever et le soir avant de vous coucher, de dire 3 Ave Maria
en l’honneur de sa pureté ; et surtout, comme je l’ai dit, dès
que la tentation se montre, invoquez Jésus et Marie. Prenez-y bien
garde, mon cher frère, car si vous ne vous amendez maintenant, vous
ne trouverez peut-être plus l’occasion ou la volonté de la
faire. (L’acte de contrition).