Infaillibilité pontificale

Acte de foi
« Mon Dieu, je crois fermement toutes les vérités que vous nous avez révélées et que vous nous enseignez par votre Église, parce que vous ne pouvez ni vous tromper ni nous tromper. »

Concile Vatican I, Pastor Æternus (Constitution dogmatique)
« Car le Saint Esprit n’a pas été promis aux successeurs de Pierre pour qu’ils fassent connaître, sous sa révélation, une nouvelle doctrine, mais pour qu’avec son assistance ils gardent saintement et exposent fidèlement la révélation transmise par les Apôtres, c’est-à-dire le dépôt de la foi.Leur doctrine apostolique a été reçue par tous les Pères vénérés, révérée et suivie par les saints docteurs orthodoxes. Ils savaient parfaitement que ce siège de Pierre demeurait pur de toute erreur, aux termes de la promesse divine de notre Seigneur et Sauveur au chef de ses disciples : « J’ai prié pour toi, pour que ta foi ne défaille pas ; et quand tu seras revenu, affermis tes frères. » »

Catéchisme de saint Pie X
« Nous sommes certains que la doctrine chrétienne que nous recevons de l’Église catholique est la vraie, parce que Jésus-Christ, auteur divin de cette doctrine, l’a confiée par ses Apôtres à l’Église qu’il fondait et constituait maîtresse infaillible de tous les hommes, lui promettant son assistance divine jusqu’à la fin des siècles. »

Saint Alphonse de Liguori, Le suprême pontificat considéré dans sa nécessité, son autorité et son infaillibilité.
« Je l’affirme avec assurance : ceux-là introduisent la peste et la ruine dans l’Église, qui nient que le Pontife Romain soit le successeur de Pierre quant à l’autorité en matière de foi et de doctrine, ou qui affirment que le suprême Pasteur de l’Église, quel qu’il soit d’ailleurs, peut errer dans ses jugements sur la foi. »

Dom Guéranger, L’année liturgique
« Jésus avait dit : “Tu es Pierre, et sur cette pierre je bâtirai mon Eglise” ; mais Pierre devait mourir. La promesse n’avait donc pas pour objet sa personne seulement, mais toute la suite de ses successeurs jusqu’à la fin des siècles. Quelle étonnante et énergique action du divin Esprit produit ainsi, anneau par anneau, cette dynastie de princes spirituels arrivée à son deux cent cinquantième Pontife, et devant se poursuivre jusqu’au dernier jour du monde ! »

Dictionnaire de Droit Canonique, tome IV, colonne 1159
« Il ne peut être question de jugement et de déposition d’un pape dans le sens propre et strict des mots. Le vicaire de Jésus-Christ n’est soumis à aucune juridiction humaine. Son juge direct et immédiat est Dieu seul. Si donc d’anciens textes conciliaires ou doctrinaux semblent admettre que le pape puisse être déposé, ils sont sujets à distinction et rectification. Dans l’hypothèse, invraisemblable d’ailleurs, où le pape tomberait dans l’hérésie publique et formelle, il ne serait pas privé de sa charge par un jugement des hommes, mais par son propre fait, puisque l’adhésion à une hérésie l’exclurait de sein de l’Église. »

Abbé Auguste Boulenger, Manuel d’apologétique
Jésus-Christ a conféré a son Église le privilège de l’infaillibilité.
I. Concept de l’infaillibilité. — Que faut-il entendre par infaillibilité ? L’infaillibilité concédée par Jésus-Christ à son Église est la préservation de toute erreur doctrinale, garantie par l’assistance spéciale de l’Esprit Saint. Ce n’est pas simplement l’inerrance de fait, c’est l’inerrance de droit, c’est l’impossibilité de l’erreur, de sorte que toute doctrine proposée par ce magistère infaillible doit être crue comme véritable, parce que proposée comme telle. L’infaillibilité ne doit donc pas être confondue : — 1. avec l’inspiration, qui consiste dans une impulsion divine poussant les écrivains sacrés à écrire tout ce que et rien que ce que Dieu veut ; — 2. ni avec la révélation qui implique la manifestation d’une vérité, auparavant ignorée. Le privilège de l’infaillibilité ne fait pas découvrir à l’Église des vérités nouvelles ; elle lui garantit seulement que, grâce à l’assistance divine, elle ne pourra, sur les questions de foi et de morale, ni errer ni par conséquent induire en erreur.
Fausse conception de l’infaillibilité : II faut rejeter comme faux le concept moderniste de l’infaillibilité, lequel découle d’ailleurs de leur concept, également faux, de la révélation. Comme dans leur système, la révélation se fait dans l’âme de chaque individu, qu’elle est « la conscience acquise par l’homme, de ses rapports avec Dieu », l’Église enseignante n’aurait pas d’autre tâche que d’interpréter la pensée collective des fidèles et « de sanctionner les opinions communes de l’Église enseignée ». Cette façon étrange de concevoir l’infaillibilité a été condamnée par le Décret Lamentabili.
II. Existence de l’infaillibilité. — 1° Adversaires. — L’existence de l’infaillibilité de l’Église est niée :
a) par les rationalistes et les Protestants libéraux. Cela va de soi, puisqu’ils n’admettent même pas que Jésus-Christ ait pu songer à fonder une Église ;
b) par les Protestants orthodoxes qui, mettant tous les membres de l’Église sur le même pied, prétendent que la doctrine chrétienne est laissée à l’interprétation du jugement individuel (théorie dit libre examen).
2° Preuves. — L’infaillibilité de l’Église repose sur deux arguments : — a) sur un argument a priori, tiré de la raison et — b) sur un argument a posteriori, tiré de l’histoire.
A. ARGUMENT TIRÉ DE LA RAISON. — Avant d’exposer ce premier argument, il convient pour qu’on ne se méprenne pas sur notre but, de spécifier quelle place il tient dans notre démonstration. Nous disons, — et nous expliquerons tout à l’heure pourquoi, — que si Jésus-Christ a tenu que sa doctrine soit conservée dans toute son intégrité, il a dû en confier la garde à une autorité vivante et infaillible, et non pas la déposer comme une lettre morte dans un livre, même inspiré. À cela les Protestants nous objectent que nous appuyons notre thèse sur un argument a priori, que toutes nos preuves se réduisent à dire que cela est, parce que cela doit être. Or, ajoutent-ils, « dans les questions de fait, la preuve de fait est, sinon la seule légitime, du moins la seule décisive. Si de la convenance, de l’utilité, de la nécessité présumée d’une dispensation divine on pouvait conclure à sa réalité, où cela mènerait-il ? » Que de la convenance d’une chose on ne puisse pas toujours conclure à sa réalité, c’est indiscutable. On pourrait nous demander, en effet, par exemple, pourquoi les hommes ont été abandonnés par Dieu à l’erreur pendant de longs siècles, pourquoi la Rédemption s’est faite si tardivement, pourquoi elle n’a pas été assez éclatante pour forcer tous les hommes à l’accepter. Donc la question est historique et c’est sur ce terrain que nous entendons bien la placer. Mais auparavant nous avons le droit de nous demander si, entre la théorie protestante qui admet comme règle de foi unique l’Écriture infaillible, et le dogme catholique qui prétend que le Christ a constitué un magistère vivant et infaillible pour nous faire connaître les vérités contenues dans le double dépôt de l’Écriture et de la Tradition, nous avons le droit, disons-nous, de nous demander s’il n’y a pas présomption en faveur du dogme catholique. Nous nous proposons donc de prouver, — sans prétendre pour cela que cet argument a priori puisse nous dispenser de l’argument historique, — que la règle de foi des Protestants est insuffisante pour la conservation et la connaissance de la doctrine chrétienne, tandis que la règle de foi de l’Église catholique remplit les conditions voulues
a) La règle de foi proposée dans la théorie protestante est insuffisante. Aucune autorité vivante, nous disent les protestants, n’était nécessaire et n’a été instituée pour nous faire connaître les vérités enseignées par le Christ. Il n’y a qu’une seule règle de foi : c’est l’Écriture infaillible. Chacun a donc le devoir et le droit de lire l’Écriture, de la comprendre selon les lumières de sa conscience, d’en tirer les dogmes et les préceptes qui lui conviennent.
Qu’une telle règle de foi soit tout à fait insuffisante, c’est ce que nous n’aurons pas de peine à montrer. — 1. Tout d’abord comment savoir quels sont les livres inspirés, si aucune autorité n’a été constituée pour nous en garantir l’inspiration, ou même s’il n’y a personne pour nous dire que le texte que nous avons sous les yeux n’a pas été altéré par la faute des copistes. — 2. Mais, supposé qu’en dehors de là il y ait un critère qui nous permette de les reconnaître et qu’on puisse par exemple poser en principe, que sont inspirés tous ceux qui ont été regardés comme tels par Notre-Seigneur à propos de l’Ancien Testament, et par les Apôtres à propos du Nouveau, il s’agira toujours de les interpréter, d’en connaître le vrai sens et de comprendre la Parole de Dieu, comme elle doit être comprise. Comment résoudre les difficultés ? Par l’examen privé et en appliquant les règles de critique et d’exégèse, répondent les luthériens et les calvinistes. À l’aide de l’histoire et de la tradition, disent par ailleurs les anglicans. Par l’inspiration privée, par l’illumination de l’Esprit-Saint qui éclaire la conscience de chaque individu, disent à leur tour les anabaptistes, les quakers, les méthodistes et les sectes mystiques. La variété des réponses suffirait déjà à juger la théorie protestante. Quel que soit d’ailleurs le procédé de solution qu’on adopte, ce qui est bien évident c’est que nous aurons autant d’interprétations que d’individus « quot capita tot sensus ». N’accepter d’autre guide que la raison individuelle ou l’inspiration de l’Esprit-Saint, c’est ouvrir la voie à l’anarchie intellectuelle où à l’illuminisme. — 3. Tout au moins ceux qui auront pu ainsi étudier la Bible posséderont dans une certaine mesure une sorte de vérité subjective. Mais que feront ceux qui n’ont ni l’instruction ni les loisirs requis pour lire l’Écriture et la comprendre ? Que devaient faire autrefois, au moment où l’imprimerie n’était pas inventée et que les manuscrits étaient rares et de grand prix, ceux qui n’avaient pas les moyens de se procurer la Bible ? Mais il y a plus. Il fut un temps, à l’origine du christianisme, où le Nouveau Testament n’existait pas. Le Christ n’avait laissé aucun écrit. Il avait dit à ses Apôtres : « Allez, enseignez les nations. » Il ne leur avait pas commandé d’écrire sa doctrine ; aussi les Apôtres n’ont-ils jamais prétendu exposer ex professo l’enseignement du Christ. Le plus souvent leurs écrits furent des lettres de circonstance destinées à rappeler quelques points de leur catéchèse. Avant l’apparition de ces écrits, que les protestants veuillent bien nous dire où se trouvait la règle de foi.
b) Au contraire, la règle de foi catholique est un moyen sûr de nous faire connaître la doctrine intégrale du Christ. Il est facile de voir qu’elle n’a aucun des inconvénients du système protestant. Sans doute, le catholicisme reconnaît l’infaillibilité de l’Écriture Sainte ; mais, à côté de cette première source de la révélation, il en admet une seconde, non moins importante et antérieure à l’Écriture, qui s’appelle la Tradition. Et surtout, — et c’est ce qui met un abîme entre la théorie protestante et la théorie catholique, — celle-ci soutient que Jésus-Christ a constitué une autorité vivante, un magistère infaillible qui, avec l’assistance de l’Esprit-Saint, a reçu pour mission de déterminer quels sont les livres inspirés, de les interpréter authentiquement, de puiser à cette source comme à celle de la tradition la vraie doctrine de Jésus pour l’exposer ensuite à l’ensemble des fidèles : savants et ignorants.
Qu’il y ait entre les deux systèmes, considérés au seul point de vue de la raison, une présomption en faveur du catholicisme, c’est ce que reconnaissent même certains Protestants. « Le système catholique, dit Sabatier, a mis l’infaillibilité divine dans une institution sociale, admirablement organisée, avec son chef suprême, le pape ; le système protestant à mis l’infaillibilité dans un livre. Or, a quelque point de vue que l’on examine les deux systèmes, l’avantage est sans contredit du côté du catholicisme. » Nous ne voulions pas démontrer autre chose par l’argument a priori ; notre but est donc atteint.
B. ARGUMENT TIRÉ DE L’HISTOIRE. — Nous arrivons maintenant sur le terrain positif de l’histoire. Ce que Jésus-Christ devait faire, l’a-t-il fait ? A-t-il créé une autorité vivante et infaillible chargée de garder et d’enseigner sa doctrine ? Le premier point a été établi précédemment : nous avons vu que Notre-Seigneur a institué une Église hiérarchique, qu’il a constitué des chefs à qui il a conféré le pouvoir d’enseigner. Seul le second point reste donc à examiner : nous avons à prouver que le pouvoir d’enseigner, tel qu’il a été donné par le Christ, comporte le privilège de l’infaillibilité.
Cette seconde proposition s’appuie sur les textes de l’Écriture, sur la conduite des Apôtres et sur la croyance de l’antiquité chrétienté :
a) Sur les textes de l’Écriture. Ces textes, nous les avons déjà passés en revue. À Pierre spécialement il a été promis que « les portes de l’Enfer ne prévaudront pas contre l’Église » (Mat., XVI, 18) ; à tous les Apôtre Jésus a également promis par deux fois de leur envoyer l’Esprit de vérité (Jean, XIV, 16 ; XV, 26) et d’être lui-même avec eux jusqu’à la fin du monde (Mat., XXVIII, 20). De telles promesses, si elles ont un sens, signifient bien que l’Église est indéfectible, que les Apôtres et leurs successeurs ne pourront errer lorsqu’ils enseigneront la doctrine chrétienne, car il est évident que l’assistance du Christ ne saurait être vaine et que là où est l’Esprit de vérité, il n’y a pas possibilité d’erreur ;
b) Sur la conduite des Apôtres. De l’enseignement des Apôtres il ressort qu’ils ont eu conscience d’être assistés de l’Esprit divin. Le décret du concile de Jérusalem débute par ces mots : « II a semblé bon à l’Esprit Saint et à nous » (Act., XV, 28). Les Apôtres donnent leur prédication « non comme parole des hommes, mais, ainsi qu’elle l’est véritablement, comme une parole de Dieu » (I Thess., II, 13), à laquelle il faut accorder un plein assentiment (II Cor., X, 5) et dont il convient de garder précieusement le dépôt (I Tim., VI, 20). Bien plus, ils confirment la vérité de leur doctrine par de nombreux miracles (Act., II, 43 ; III, 1, 8 ; V, 15 ; IX, 34) : preuve évidente qu’ils étaient des interprètes infaillibles de l’enseignement du Christ, sinon Dieu n’aurait pas mis à leur usage sa puissance divine ;
c) Sur la croyance de l’antiquité chrétienne. De l’aveu de nos adversaires, la croyance à l’existence d’un magistère vivant et infaillible prévalait déjà au IIème siècle. Il suffit donc d’apporter les témoignages antérieurs :
– 1) Dans la première moitié du IIIème siècle, Origène répond aux hérétiques qui allèguent les Écritures, qu’il faut s’en rapporter à la tradition ecclésiastique et croire ce qui a été transmis par la succession de l’Église de Dieu. Tertullien dans son traité « De la prescription » oppose aux hérétiques l’argument de prescription et affirme que la règle de foi est la doctrine que l’Église a reçue des Apôtres.
– 2) À la fin du second siècle, saint Irénée, dans sa lettre à Florin et dans son Traité contre les hérésies, présente la Tradition apostolique comme la saine doctrine, comme une tradition qui n’est pas purement humaine : d’où il suit qu’il n’y a pas lieu de discuter avec les hérétiques et qu’ils sont condamnés du fait qu’ils sont en désaccord avec cette tradition. Vers 160, Hégésippe donne comme critère de la foi orthodoxe l’accord avec la doctrine transmise des Apôtres par les Évêques, ce qui l’amène, nous l’avons vu, à dresser la liste des Evêques. Dans la première moitié du IIe siècle, Polycarpe et Papias présentent la doctrine des Apôtres comme la seule vraie, comme une règle de foi sûre. Au début du 1er siècle, nous avons le témoignage de saint Ignace qui dit que l’Église est infaillible et qu’il faut y adhérer si l’on veut être sauvé.
Conclusion : II résulte donc de la double preuve tirée de la raison et de l’histoire que le pouvoir doctrinal conféré par Jésus-Christ à l’Église enseignante comporte le privilège de l’infaillibilité, c’est-à-dire que l’Église ne peut errer quand elle expose la doctrine du Christ.
III. Le sujet de l’infaillibilité. — Jésus-Christ a doté son Église du privilège de l’infaillibilité. Mais à qui ce privilège a-t-il été concédé ? Tout naturellement à ceux qui ont reçu le pouvoir d’enseigner, c’est-à-dire à l’ensemble des Apôtres, et à Pierre spécialement, pouvoir et privilège qu’ils ont transmis à leurs successeurs.
1° Infaillibilité du collège apostolique et du corps épiscopal.
A. L’infaillibilité du collège apostolique ressort : — a) de la mission confiée à tous les apôtres d' »enseigner toutes les nations » (Mat., XXVIII, 20) ; — b) de la promesse d’être avec eux « jusqu’à la consommation des siècles » (Mat., XVIII, 20) ; et de leur « envoyer le Consolateur, l’Esprit Saint qui doit leur enseigner toute vérité » (Jean, XIV, 26). De telles paroles indiquent bien que le privilège de l’infaillibilité est accordé à l’ensemble du corps enseignant.
B. Du collège apostolique le privilège de l’infaillibilité est passé au corps des Évêques. La mission d’enseigner n’ayant été limitée ni dans le temps ni dans l’espace, il s’ensuit qu’elle doit échoir aux successeurs des Apôtres avec le privilège qui lui était attaché.
Cependant il y a une distinction à établir entre les Apôtres et les Evêques. Les Apôtres avaient comme champ d’action tout l’univers, la parole de Notre-Seigneur : « Allez, enseignez toutes les nations » ayant été adressée à eux tous. Ils étaient donc missionnaires universels de la foi : partout ils pouvaient prêcher l’Évangile en docteurs infaillibles. Les Évêques, au contraire ne peuvent être considérés comme les successeurs des Apôtres que pris dans leur ensemble ; chaque Évêque n’est pas le successeur de chaque Apôtre. Ils ne sont les chefs que d’une région déterminée, dont l’étendue et les limites sont fixées par le Pape. Ils n’ont donc pas hérité individuellement de l’infaillibilité personnelle des Apôtres. Seul le corps des Evêques jouit de l’infaillibilité.
2° Infaillibilité de Pierre et de ses successeurs. — Le privilège de l’infaillibilité a été conféré par Notre-Seigneur d’une manière spéciale à Pierre et à ses successeurs. La thèse s’appuie sur un double argument : Un argument tiré des textes évangéliques et un argument historique.
A. ARGUMENT TIRÉ DES TEXTES ÉVANGÉLIQUES. — L’infaillibilité de Pierre et de ses successeurs découle des textes mêmes qui démontrent la primauté.
a) Tout d’abord le Tu es Petrus « Tu es Pierre et sur cette pierre je bâtirai mon Église ». Il est incontestable qu’un édifice n’a de stabilité que par son fondement. Si Pierre, qui doit soutenir l’édifice chrétien, pouvait enseigner l’erreur, l’Église serait bâtie sur un fondement ruineux, et l’on ne pourrait plus dire que « les portes de l’Enfer ne prévaudront pas contre elle »
b) Puis le Confirma fratres. Jésus assure Pierre qu’il a spécialement prié pour lui « pour que sa foi ne défaille pas » (Luc, XXII, 32). Il va de soi qu’une telle prière, faite surtout dans des circonstances aussi solennelles et aussi graves, ne saurait être vaine.
c) Enfin le Pasce oves ». À Pierre est confiée la garde de tout le troupeau. Or on ne peut supposer que le Christ donne le soin de son troupeau à un mauvais pasteur qui l’égaré dans des pâturages aux herbes empoisonnées.
Il n’est pas besoin d’insister pour prouver que l’infaillibilité de Pierre est passée à ses successeurs. Ce que Pierre devait être pour l’Église naissante, ses successeurs devront encore l’être dans la longue série des siècles, car, à tout moment de son histoire, l’Église ne pourra remporter la victoire sur les entreprises de Satan que si le fondement sur lequel elle repose garde la même fermeté.
B. ARGUMENT HISTORIQUE. — Pour prouver par l’histoire que les papes ont toujours joui du privilège de l’infaillibilité, il suffit de montrer que ce fut toujours la croyance de l’Église et qu’en fait les papes n’ont jamais erré sur les questions de foi et de morale.
a) Croyance de l’Église. Évidemment la croyance de l’Église ne s’est pas traduite de la même façon dans tous les siècles. Il y a eu, si l’on veut, quelque développement dans l’exposé du dogme et même dans l’usage de l’infaillibilité pontificale. Le dogme n’en remonte pas moins à l’origine, et nous le trouvons en germe dans la Tradition la plus lointaine. La chose nous est attestée par le sentiment des Pères et des conciles, et par les faits :
– 1) Sentiment des Pères. Ainsi au IIème siècle, saint Irénée déclare que toutes les Églises doivent être d’accord avec celle de Rome qui seule possède la vérité intégrale. Saint Cyprien dit que les Romains sont « assurés dans leur foi par la prédication de l’Apôtre et inaccessibles à la perfidie de l’erreur ». Pour mettre fin aux controverses qui déchiraient l’Orient, saint Jérôme écrit au pape Damase dans les termes suivants : « J’ai cru à ce propos devoir consulter la chaire de Pierre et la foi apostolique. Chez vous seul le legs de nos pères demeure à l’abri de la corruption. » Saint Augustin dit à propos du pélagianisme : « Les décrets de deux conciles relatifs à la cause ont été soumis au siège apostolique ; sa réponse nous est parvenue, la cause est jugée. » Le témoignage de saint Pierre Chrysologue n’est pas moins explicite : « Nous vous exhortons, vénérables frères, à recevoir avec docilité les écrits du bienheureux Pape de la cité romaine, car saint Pierre, toujours présent sur son siège, offre la vraie foi à ceux qui la cherchent. « 
– 2) Sentiment des Conciles. Tout ce que nous avons dit précédemment à propos de la primauté de l’Évêque de Rome s’applique tout aussi bien à la reconnaissance de son infaillibilité.
– 3) Les faits. Au IIème siècle, le pape Victor excommunié Théodote qui niait la divinité du Christ, par une sentence qui fut regardée comme définitive. Zéphirin condamne les Montanistes, Calixte, les Sabelliens et, à partir de ces condamnations, ils furent regardés comme hérétiques. En 417, le pape Innocent I condamne le pélagianisme, et l’Église accepte son décret comme définitif, comme nous l’avons vu plus haut par le texte de saint Augustin. En 430, le pape Célestin condamne la doctrine de Nestorius, et les Pères du concile d’Éphèse se rallient à son avis. Les Pères du concile de Chalcédoine (451) acceptent solennellement la célèbre épître dogmatique du pape Léon I à Flavien, qui condamne l’hérésie d’Eutychès, aux cris unanimes de : « Pierre a parlé par la bouche de Léon. » De même, les Pères du IIIème concile de Constantinople (680) acclament le décret du pape Agathon condamnant le monothélisme en s’écriant : « Pierre a parlé par la bouche d’Agathon. » Comme on le voit, dès les premiers siècles déjà, l’Église romaine passe pour le centre de la foi et une norme sûre d’orthodoxie Plus l’on avancera, plus la croyance se traduira en termes explicites jusqu’à ce que la vérité soit proclamée dogme par le concile du Vatican.
b) Les papes n’ont jamais erré sur les questions de foi et de morale. Ceci est le point important de l’argument historique, car si nos adversaires pouvaient nous prouver que certains papes ont enseigné et défini l’erreur, l’infaillibilité de droit serait plus que compromise. Or les historiens rationalistes et protestants prétendent précisément qu’ils sont en mesure de nous donner ces preuves de faillibilité. Les principaux cas qu’ils invoquent sont ceux du pape Libère qui serait tombé dans l’arianisme, d’Honorius qui aurait enseigné le monothélisme, de Paul V et Urbain VIII qui condamnèrent Galilée. Comme la question de Galilée sera traitée plus loin, nous ne retiendrons ici que les deux premiers cas.
1° LE CAS DU PAPE LIBÈRE (352-366). —Les historiens rationalistes accusent le pape Libère d’avoir signé une proposition de foi arienne ou semi-arienne pour obtenir de l’empereur Constance le droit de rentrer à Rome.
Réponse :
A. Exposé des faits. — Rappelons brièvement les faits. En 355, l’empereur Constance, favorable à l’arianisme, avait enjoint au pape Libère de souscrire à la condamnation d’Athanase, évêque d’Alexandrie, le grand champion de la foi orthodoxe. S’étant refusé à le faire, le pape fut envoyé en exil à Bérée en Thrace, et l’archidiacre Félix fut préposé à l’Église de Rome. Après un exil d’environ trois ans, Libère fut rendu à son siège (358).
B. Solution de la difficulté. — La question qui se pose est donc de savoir pour quelles raisons l’empereur lui accorda cette faveur. Deux opinions ont été émises sur ce point. Les uns, à la suite de Rufin, Socrate, Théodoret, Cassiodore, prétendent que l’empereur Constance revint sur l’exil du pape par crainte des soulèvements du peuple romain et du clergé, en raison de la grande popularité dont jouissait le pontife. D’autres, au contraire, et c’est à cette dernière opinion que nous avons à répondre, pensent que le pape n’obtint la cessation de son exil qu’au prix de condescendances coupables et de concessions sur le terrain de la foi.
Les partisans de cette seconde opinion s’appuient, pour démontrer leur point de vue, sur deux sortes de témoignages : — 1. d’abord les dépositions des contemporains : saint Athanase, saint Hilaire de Poitiers, saint Jérôme ; — 2. puis les aveux de Libère lui-même. Il nous est parvenu, parmi les fragments de l’Opus historicum de saint Hilaire, neuf lettres du pape Libère, dont quatre, datant de son exil, ont un caractère plutôt compromettant. Dans ces dernières lettres, le pape intrigue pour obtenir sa grâce, déclarant qu’il condamne Athanase et professe la foi catholique formulée à Sirmium, et il prie ses correspondants orientaux, entre autres Fortunatien d’Aquilée, d’intercéder auprès de l’empereur pour abréger son exil.
À ces deux sortes de témoignages invoqués par nos adversaires, certains apologistes ont répondu en contestant l’authenticité des dépositions des contemporains, et en rejetant les lettres de l’exil du pape Libère comme apocryphes. Mais comme il n’est pas possible de prouver que les témoignages en question, tant ceux des contemporains que ceux du Libère lui-même, sont inauthentiques, nous devons accepter la discussion dans l’hypothèse de leur authenticité. Toute la question reviendra donc à savoir quelle fut la faute du pape et quelle formule il a souscrite. Car, à l’époque où Libère fut délivré de son exil, il y avait déjà trois formules dites de Sirmium. De ces trois formules la seconde seule, qui déclare que le mot consubstantiel doit être rejeté comme « étranger à l’Écriture et inintelligible », est considérée comme hérétique. Or l’on admet que ce n’est pas cette formule que le pape a signée et que vraisemblablement c’est la troisième. Mais qu’il s’agisse de la première ou de la troisième, les théologiens s’accordent à dire qu’elles ne sont pas absolument hérétiques et qu’elles ont surtout le tort de favoriser le semi-arianisme en retranchant le mot consubstantiel de la profession de foi du concile de Nicée.
Conclusion : Donc, en nous plaçant dans l’hypothèse la plus défavorable, nous pouvons conclure : — 1. que le pape Libère n’a commis qu’ un acte de faiblesse en condamnant, dans une heure critique, le grand Athanase : faiblesse dont Athanase est le premier à l’excuser : « Libère, dit en effet ce grand Docteur, vaincu par les souffrances d’un exil de trois ans et par la menace du supplice, a souscrit enfin à ce qu’on lui demandait ; mais c’est la violence qui a tout fait. » — 2. Par ailleurs, le pape Libère n’a rien défini ; s’il y a eu erreur, tout au plus peut-on dire qu’elle est imputable au docteur privé, non au docteur universel et parlant ex-cathedra. Et même s’il avait parlé ex-cathedra, — ce qui n’est pas, — il ne jouissait pas de la liberté nécessaire à l’exercice de l’infaillibilité. Donc, en toute hypothèse, l’infaillibilité est hors de cause.
2° LE CAS DU PAPE HONORIUS (625-638). — D’après les adversaires de l’infaillibilité pontificale, le pape Honorius aurait enseigné le monothélisme dans deux lettres écrites à Sergius, patriarche de Constantinople, et pour cette raison, il aurait été condamné comme hérétique par le VIème Concile œcuménique et par le pape Léon II.
Réponse :
A. Exposé des faits. — Quelques mots d’abord sur les faits. En 451 le concile de Chalcédoine avait défini contre Eutychès qu’il y avait en Jésus-Christ deux natures complètes et distinctes : la nature humaine et la nature divine. Si dans le Christ il y avait deux natures complètes, il y avait aussi deux volontés : le concile ne l’avait pas dit, mais la chose allait de soi, car une nature intelligente ne peut être complète sans la volonté. Tel ne fut pas l’avis de certains théologiens orientaux qui enseignèrent qu’en Jésus-Christ il n’y avait que la volonté divine, la volonté humaine se trouvant pour ainsi dire absorbée par la volonté divine. Une telle doctrine apparaissait évidemment fausse, mais ses partisans voyaient là un moyen de conciliation entre les Eutychiens ou monophysites, c’est-à-dire les partisans d’une seule nature, et les catholiques. Les premiers admettraient les deux natures en Jésus-Christ et les seconds concéderaient l’unité de volonté. Cette tactique fut adoptée par Sergius qui écrivit dans ce sens au pape Honorius. Dans une lettre pleine d’équivoques et où la question était présentée sous un faux jour, il lui disait qu’il avait ramené beaucoup de monophysites à la vraie foi et lui demandait qu’il voulût bien interdire de parler d’une ou deux énergies, d’une ou deux volontés. Honorius se laissa prendre et répondit, d’une part, à Sergius, deux lettres dans lesquelles il le félicitait de son succès auprès des monophysites, de l’autre, à saint Sophrone, patriarche de Jérusalem et défenseur de l’orthodoxie, une lettre dans laquelle il lui recommandait d’éviter les mots nouveaux de « une ou deux opérations », opération dans le langage de l’époque étant synonyme de volonté. Malgré ces lettres dictées par un esprit de pacification, les querelles reprirent de plus belle jusqu’au VIème concile œcuménique, le troisième de Constantinople (580-681), qui porta l’anathème contre les monothélites, et entre autres, contre le pape Honorius.
B. Solution de la difficulté. — La difficulté à résoudre est donc la suivante. Honorius, dans ses deux lettres à Sergius, a-t-il enseigné l’erreur ? Et a-t-il été, pour ce fait, condamné comme hérétique par le VIème concile œcuménique ? Deux solutions ont été proposées par les apologistes. Les uns ont prétendu que les deux lettres à Sergius seraient apocryphes : ce qui supprime toute discussion. Les autres admettent l’authenticité, et c’est évidemment dans cette hypothèse que nous devons nous placer pour répondre à nos adversaires. Il s’agit dès lors de savoir si le contenu des deux lettres est hérétique. L’on ne saurait contester qu’Honorius met le plus grand soin à tourner la difficulté et qu’il évite de se prononcer sur les deux volontés. Cependant, — qu’on remarque bien ce point, — il commence par rappeler les décisions, du concile de Chalcédoine et affirme hautement qu’il y a en Jésus-Christ deux natures distinctes, opérantes. Puis, approuvant la tactique de conciliation suivie par Sergius, il recommande de s’en tenir là et de ne plus parler de une ou deux opérations. Il ajoute bien, il est vrai, qu’il y n’y avait pas en Jésus-Christ de volonté divine ; il entend seulement exclure les deux volontés auxquelles très insidieusement Sergius avait fait allusion ; les deux volontés qui se combattent en nous, volonté de l’esprit et volonté de la chair. La pensée d’Honorius n’est donc pas qu’il n’y a pas en Jésus-Christ une volonté divine et une volonté humaine, mais que sa volonté humaine n’est pas, comme la nôtre, entraînée par deux courants qui se contrarient.
Mais, dit-on, Honorius a été condamné par le VIème concile œcuménique et par le pape Léon II. Remarquons d’abord que toutes les paroles contenues dans les Actes des Conciles ne sont pas infaillibles et que les décisions d’un concile ne jouissent du privilège de l’infaillibilité qu’autant qu’elles sont confirmées par le pape. Or précisément les Actes du VIème Concile contenant un anathème contre Honorius en même temps que contre les principaux monothélites tels que Sergius, n’ont pas reçu la confirmation pontificale. Le pape Léon II s’est contenté de blâmer la conduite d’Honorius, mais il n’a pas lancé contre lui l’anathème qu’il a prononcé contre les autres et ne lui a pas infligé la note d’hérétique.
Conclusion : Nous pouvons donc conclure : — 1. Qu’Honorius n’a ni enseigné ni défini le monothélisme. Tout au plus peut-on lui reprocher d’avoir manqué de clairvoyance et d’avoir favorisé l’hérésie en l’abstenant de définir, en recommandant le silence alors qu’il fallait parler, fournissant ainsi aux monothélites le prétexté de soutenir leur doctrine. — 2. À supposer même qu’il y eût des erreurs dans ses lettres et qu’il ait été condamné pour cette raison par le VIème Concile, l’erreur et la condamnation n’atteindraient que le docteur privé, et non le docteur universel. Donc on ne peut se faire du cas d’Honorius, pas plus que de celui de Libère, un argument contre l’infaillibilité pontificale. »

Mgr de Ségur, Réponses courtes et familières aux objections les plus répandues contre la religion
« Ce n’est pas non plus, à proprement parler, l’homme qui est infaillible dans le Pape, c’est Jésus-Christ, c’est Dieu qui le revêt de sa vérité pour qu’il ne puisse enseigner l’erreur aux peuples chrétiens. »

Pape Léon IX, In terra pax (Lettre)
« Quelqu’un sera-t-il donc assez fou pour oser penser que la prière de celui pour qui vouloir c’est pouvoir, puisse être sans effet sur un point ? Le Siège du prince des apôtres de l’Église romaine, n’a-t-il pas, soit par Pierre lui-même, soit par ses successeurs, condamné, réfuté et vaincu toutes les erreurs des hérétiques ? N’a-t-il pas confirmé les cœurs des frères dans la foi de Pierre, qui jusqu’à maintenant n’a pas failli et qui, jusqu’à la fin ne faillira pas ? »

Pape Benoît XV, Principi Apostolorum Petro (Encyclique)
« Et ces Pontifes, qui osera dire qu’ils aient failli, même sur un point, à la mission qu’ils tenaient du Christ, de confirmer leurs frères dans la Foi ? »

Pape Saint Grégoire VII, Ad Patriarcham Constantinopolitanum
« L’Évangile nous apprend que le Seigneur a prié pour Pierre, lorsqu’il a dit au moment de sa Passion : J’ai prié pour toi, afin que ta foi ne défaille point; à ton tour, confirme tes frères. Par là il insinuait manifestement que les successeurs de Pierre ne dévieraient pas un seul instant de la foi catholique, mais que bien plutôt ils y ramèneraient les autres, qu’ils y affermiraient les esprits vacillants ; et en lui accordant ainsi la puissance de confirmer ses frères, il imposait à ceux-ci l’obligation d’obéir à Pierre. »

Catéchisme de Saint Pie X
« L’infaillibilité du Pape fut définie par l’Église au Concile du Vatican, et si quelqu’un osait contredire cette définition, il serait hérétique et excommunié. »

Lionel Lindsay, Catéchisme de controverse (Pages 27-31)
« C’est une impiété, s’écriait dernièrement un protestant, membre de je ne sais quelle secte, c’est une impiété et un blasphème que de dire qu’un homme, Pape ou autre, peut être infaillible. Ne sait-on pas que tout homme est sujet à l’erreur ? Il faut être arrivé aux dernières extravagances de l’orgueil pour s’attribuer l’infaillibilité.
— Sans doute, c’est folie de croire qu’un homme puisse être infaillible par lui-même et sans l’assistance de Dieu ; mais si cette assistance lui a été évidemment promise dans l’accomplissement de ses fonctions de pasteur universel, c’est sagesse de reconnaître qu’il ne peut se tromper et c’est folie de nier son infaillibilité. Vous dites que tout homme est sujet à l’erreur. Mais, dites-moi, vous qui professez tant de respect pour la Bible et qui ajoutez foi à chacune des paroles qu’elle contient, est-ce que Moïse, est-ce que David, est-ce que les Prophètes, les Évangélistes, les Apôtres et tous les écrivains sacrés n’étaient pas des hommes ? Oui, sans aucun doute. Est-ce qu’ils n’étaient pas infaillibles lorsqu’ils écrivaient les sublimes enseignements renfermés dans votre Bible ? Oui, encore. Est-ce qu’ils ont pu se tromper et vous jeter dans l’erreur ? Non, certes ; car alors vous n’auriez pas plus de respect pour leurs paroles que pour celles du Roi ou de tout autre personnage honnête. Mais s’ils étaient infaillibles en écrivant ces livres, à qui le devaient-ils ? À Dieu, sans doute, puisque la Bible, même selon vous, renferme la parole de Dieu. Si donc ces écrivains sacrés, qui n’étaient que des hommes ordinaires, ont pu ne dire que la vérité, grâce à l’inspiration divine, pourquoi les Papes ne pourraient-ils pas, en vertu de l’assistance du Saint-Esprit, posséder le privilège de ne jamais enseigner, comme Papes, une erreur quelconque en matière de doctrine révélée ? Il y a égale possibilité dans les deux cas. Or Dieu a promis d’être avec son Église jusqu’à la fin des siècles ; il lui a promis son Esprit-Saint pour enseigner toute vérité et il a prié pour que la foi de Pierre ne dé- faille jamais. Oserez-vous soutenir que la prière du Sauveur n’a pas obtenu son effet ? Vous n’auriez pas le courage de le dire. Il vous faut donc reconnaître que les Papes peuvent, avec le secours de Dieu, ne jamais enseigner l’erreur et être en réalité infaillibles.
Pour que cette conclusion fût vraie, il faudrait, répliqua-t-il, que les promesses de Jésus-Christ eussent été faites non seulement aux Apôtres et à saint Pierre, mais encore à leurs successeurs : ce qui ne pourra jamais être prouvé.
— Il est facile, au contraire, de démontrer que les promesses du Sauveur ont été faites pour toujours : Jésus promet, en effet, d’être avec ses Apôtres jusqu’à la fin des siècles ; il leur répète plusieurs fois que le Saint-Esprit demeurera toujours (in œteinum) avec eux pour leur enseigner toute vérité ; il affirme que les portes de l’enfer ne prévaudront jamais contre son Église qui est bâtie sur Pierre. Il est évident que Jésus-Christ fondait une Église qui devait durer aussi longtemps qu’il y aurait des hommes à sauver, c’est-à-dire jusqu’à la fin du monde ; ses promesses d’assistance s’étendaient donc de la même manière jusqu’à la consommation des siècles et par conséquent elles ne pouvaient se restreindre à saint Pierre et aux Apôtres personnellement, puisqu’ils devaient bientôt mourir, mais elles com- prenaient nécessairement tous ceux qui devaient leur succéder dans les mêmes fonctions. Aussi telle a été la croyance constante de l’Église universelle jusqu’à la naissance de votre fausse Réforme au seizième siècle.
À d’autres vous ferez admettre l’infaillibilité des Papes, répliqua ce protestant. Pour moi, jamais je ne pourrai croire que des hommes pervers, corrompus, comme l’ont été certains Papes, aient été infaillibles.
— Vous pensez avoir trouvé un argument irréfutable, mais vous vous trompez étrangement. Vous confondez l’infaillibilité et l’impeccabilité : deux choses pourtant bien différentes. Et d’abord disons de suite que vous exagérez affreusement les vices des Papes : si vous étudiiez l’histoire ailleurs que dans les auteurs qui sont hostiles au catholicisme, vous verriez de suite que ces Papes, considérés par vous comme si criminels, sont encore infiniment supérieurs dans leur conduite morale à tous vos grands réformateurs du seizième siècle et peuvent leur servir de modèles. De plus, en supposant même que tout ce que vous rapportez sur leur compte fût vrai, il ne s’ensuivrait encore rien contre leur infaillibilité. Vous semblez ne pas comprendre qu’un même homme puisse être en même temps pécheur et infaillible. Mais, dites moi, comprenez-vous qu’un homme puisse être excellent professeur de littérature ou de mathématiques, ne jamais enseigner d’erreur sur ces matières à ses élèves et cependant être un homme scandaleux et corrompu ? Son enseignement et sa conduite privée sont deux choses bien différentes : comme professeur, il peut être toujours dans le vrai, et comme individu être cependant très pervers ; il sera professeur infaillible et toutefois grand pécheur. Ainsi en est-il des souverains Pontifes : ils sont à la fois hommes et chefs de l’Église. Comme hommes, comme particuliers, ils sont soumis aux mêmes misères que les autres hommes ; ils peuvent être pécheurs ou justes, méchants ou édifiants comme les autres. Comme chefs de l’Église ou comme Papes, ils ont le privilège de ne jamais enseigner l’erreur en matière de doctrine révélée : ce privilège, ils le doivent non pas à leurs propres forces, mais à l’assistance particulière que leur communique le Saint Esprit. L’infaillibilité est donc chose bien distincte de l’impeccabilité. »

Saint Cyprien, Sur l’unité de l’Église
« La chaire de Pierre est cette Église principale d’où est sortie l’unité sacerdotale auprès de laquelle l’erreur ne peut avoir d’accès. »

Pape Saint Léon I, Sermon 98
« Aucune hérésie ne peut souiller celui qui est assis sur la chaire de Pierre, car c’est le Saint-Esprit qui l’enseigne. »

Monseigneur Filippi, Le triomphe de l’Église au Concile du Vatican (Pages 229-230)
« Mais, d’une part, l’Église ne peut périr ; d’autre part, elle n’est l’Église de Jésus-Christ que parce qu’elle est fondée sur Pierre. Pierre donc, comme fondement de l’Église, ne peut défaillir. Si le Pontife Romain pouvait enseigner l’erreur, il pourrait arriver ou que l’Église le suivrait, et alors elle cesserait d’être l’Église de Jésus-Christ, parce qu’elle se séparerait de la foi du Christ, qui est son aliment vital, et le lien nécessaire entre tous les membres du corps mystique, dont Jésus-Christ est la tête invisible, et le Pontife Romain la tête visible : ou bien elle ne le suivrait pas, et alors elle ne reposerait plus sur le fondement sur lequel Jésus-Christ l’a établie, et elle perdrait le caractère de vraie Église de Jésus-Christ, puisqu’elle ne serait plus qu’un amas de membres séparés et sans tête qui les retienne dans l’unité. Or, l’une et l’autre hypothèse étant contraire aux promesses du divin Sauveur, il suit de ses paroles que le Pontife Romain, alors qu’il enseigne l’Église touchant la doctrine révélée de Jésus-Christ, est personnellement infaillible. »

Saint Augustin, De la correction et de la grâce (Livre VIII Chapitre 17)
« Si, défendant le libre arbitre non selon la grâce de Dieu, mais contre elle, tu dis qu’il appartient au libre arbitre de persévérer ou de ne pas persévérer dans le bien, et que si l’on y persévère, ce n’est pas par un don de Dieu, mais par un effort de la volonté humaine, que machineras-tu pour répondre à ces paroles du Maître : « J’ai prié pour toi, Pierre, afin que ta foi ne défaille pas » ? Oseras-tu dire que malgré la prière du Christ pour que la foi de Pierre ne défaille pas, cette foi eût défailli néanmoins, si Pierre avait voulu qu’elle défaillît, c’est-à-dire s’il n’avait pas voulu persévérer jusqu’à la fin ? Comme si Pierre eût pu vouloir autre chose que ce que le Christ demandait pour lui qu’il voulût ! Qui ignore que la foi de Pierre devait périr, si sa propre volonté, la volonté par laquelle il était fidèle, défaillait, et qu’elle devait demeurer jusqu’au bout, si sa volonté restait ferme? Mais puisque la volonté est préparée par le Seigneur, la prière du Christ pour lui ne pouvait être vaine. Quand il a prié pour que sa foi ne défaille pas, qu’a-t-il demandé en définitive, sinon qu’il ait une volonté de croire à la fois parfaitement libre, ferme, invincible et persévérante ? Voilà comment on défend la liberté de la volonté, selon la grâce, et non contre elle. Car ce n’est pas par sa liberté que la volonté humaine acquiert la grâce, mais plutôt par la grâce qu’elle acquiert sa liberté, et pour persévérer, elle reçoit, en outre, de la grâce le don d’une stabilité délectable et d’une force invincible. »

Catéchisme de Saint Pie X
« En définissant que le pape est infaillible, l’Église n’a point établi une nouveauté dans la foi ; mais, pour s’opposer à de nouvelles erreurs, elle a défini que l’infaillibilité du pape, contenue déjà dans l’Écriture Sainte et dans la Tradition, est une vérité révélée de Dieu et que, par conséquent, il faut la croire comme un dogme ou un article de foi. »

Pape Paul IV, Cum ex apostolatus officio (Bulle)
« Il ne faut pas que l’on puisse reprocher au pontife romain de dévier dans la foi. Il est sur terre le Vicaire de Dieu et de Notre Sei­gneur Jésus-Christ; il a la plénitude de l’autorité sur les nations et les royaumes. »

Dom Guéranger, De la Monarchie Pontificale
« La première charge du Pasteur est d’enseigner le troupeau ; car le troupeau ne peut vivre que de la vérité. Si le Pasteur qui paît les agneaux et les brebis au nom du Maître, enseignait l’erreur, ou il pervertirait les agneaux et les brebis qui sont sous sa garde, et le troupeau périrait ; ou les brebis repousseraient le Pasteur, et l’unité ne serait plus dans la bergerie. Or, les promesses de Jésus-Christ nous assurent que ni l’un ni l’autre de ces malheurs n’est possible, puisqu’il s’ensuivrait le renversement de l’Église ; il faut donc conclure que le Pontife romain, par cela même qu’il est le Pasteur universel, jouit de l’infaillibilité personnelle dans la doctrine. »

Jacques-Bénigne Bossuet, Œuvres (Volume 3 Page 729)
« Qu’importe, qu’il y ait peut-être dans cette belle suite deux ou trois endroits fâcheux : la foi de Saint Pierre n’a pas défailli, encore qu’elle ait souffert quelque éclipse dans le reniement qui lui a été particulier, et dans l’incrédulité qui lui a été commune avec ses frères les Apôtres. Il en est ainsi de Saint Pierre considéré dans ses successeurs : tous ses successeurs sont un seul Pierre. Quelque défaillance qu’on croie remarquer dans quelques-uns, il suffit que la Vérité de l’Évangile soit demeurée dans le total, et qu’aucun dogme erroné n’ait pris racine, ni fait corps dans la succession et la Chaire de Saint Pierre. Si bien que la foi Romaine, c’est-à-dire la foi que Pierre a prêchée et établie à Rome, et qu’il a scellée de son sang, n’a jamais péri, et ne périra jamais. »

Mgr de Ségur, Le pape est infaillible
« Tout le monde est donc obligé, sous peine de péché mortel, sous peine d’hérésie et d’apostasie, de croire, du fond du cœur, sans aucune restriction, que le Souverain Pontife ne peut errer lorsqu’il enseigne l’Église. On doit le croire, parce que c’est une vérité divine et révélée, une, vérité définie par l’Église. On doit le croire de cœur, et le professer de bouche, comme on croit toutes les autres vérités de la foi : la Trinité, l’Incarnation, la présence réelle, etc. »

Pape Léon XIII, Libertas praestantissimum (Encyclique)
« Mais, pour la foi et la règle des mœurs, Dieu a fait participer l’Église à son divin magistère et lui a accordé le divin privilège de ne point connaître l’erreur. »

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Marquis de La Franquerie – L’infaillibilité pontificale (1MO)

Mgr de Ségur – Le dogme de l’infaillibilité (1MO)

R.P. Alexandre Gallerani – De l’infaillibilité pontificale – Trois discours (1MO)

Mgr Joseph Fessler – La vraie et la fausse infaillibilité des papes (1MO)

C. Deleau – L’infaillibilité du pape (1MO)

Bibliographie

– Antoine Blanc de Saint-Bonnet, L’infaillibilité
– Mgr de Ségur, Le pape est infaillible
– Dom Prosper Guéranger, De l’infaillibilité papale
– Adrien Abauzit, L’infaillibilité pontificale
– Abbé B.-M. Constant, L’histoire et l’infaillibilité des papes (Lien)
– Léon Gautier, L’infaillibilité devant la raison, la foi et l’histoire
– Abbé Benjamin-Marcellin Constant, L’histoire et l’infaillibilité des papes
– Cardinal Thomas de Vio Cajétan, Le successeur de Pierre

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