En Thaïlande, le pouvoir plie sous la pression de la rue
Dans un esprit d'apaisement, le Premier ministre a levé l'état d'urgence instauré une semaine plus tôt. Sans parvenir à contenir la colère des manifestants qui lui donnent trois jours pour quitter le pouvoir. Malgré l'agitation sociale, Nissan va étendre son activité dans le royaume.
Par Michel De Grandi
L'état d'urgence aura tenu huit jours. Il avait été imposé le 15 octobre au lendemain d'incidents à l'encontre du cortège de la reine Suthida, lorsque des activistes pro-démocratie avaient levé trois doigts devant sa voiture, un signe de défi.
Prayut Chan-O-Cha, le Premier ministre, a décidé de lever le décret d'urgence à partir de jeudi : « Toutes les mesures exceptionnelles imposées dans ce cadre sont levées. » La veille, dans un discours à la Nation, le chef du gouvernement avait expliqué que, dans un esprit d'apaisement des tensions, ce dispositif exceptionnel allait être interrompu.
Outre l'interdiction des rassemblements de plus de quatre personnes, le texte donnait carte blanche à la police pour procéder à des arrestations et saisir toute publication électronique jugée « contraire à la sécurité nationale ».
Premier pas
« Je fais le premier pas pour désamorcer la situation », avait-il déclaré. Au même moment, quelque 7.000 manifestants pro-démocratie étaient rassemblés non loin de la Maison du gouvernement mercredi, bravant le décret pour la septième journée consécutive.
Ultimatum
Non seulement l'instauration de ce dispositif n'a pas calmé les manifestants, mais l'annonce de sa levée n'a pas eu d'effet miroir dans les revendications des manifestants. Au contraire, Jeunesse libre, l'un des acteurs de ce mouvement, a estimé dans un message sur Telegram que les autorités n'ont accédé à aucune de leurs demandes et ont posé un ultimatum au Premier ministre. Ils lui donnent, à présent, trois jours pour quitter le pouvoir.
La démission du Premier ministre, général porté au pouvoir par le coup d'Etat en 2014 et légitimé par des élections controversées l'année dernière, est une demande récurrente du mouvement pro-démocratie. Passé ce délai de trois jours, l'agitation va monter d'un cran encore, a promis le mouvement.
Réforme de la monarchie
Les contestataires demandent également une révision de la Constitution, jugée trop favorable à l'armée et osent réclamer une réforme de la puissante et richissime monarchie, un sujet forcément tabou dans le royaume.
Cette colère populaire est alimentée par des années d'une croissance atone, mise à mal par la crise du coronavirus . La Thaïlande paie un lourd tribut avec notamment le tarissement des recettes touristiques. Des espoirs demeurent toutefois. La Thaïlande s'est notamment positionnée de longue date comme un centre automobile régional à vocation d'exportation. Et malgré la crise sociale, Nissan a décidé d'accélérer dans le royaume : le constructeur japonais va, pour l'une de ses usines située au sud de Bangkok, ajouter 2.000 employés aux 4.170 déjà sur place.
Michel De Grandi