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EXPOSITION DE LA SALUTATION ANGLIQUE PAR SAINT THOMAS D'AQUIN

Note des sermons donns Naples, printemps 1273, prises de notes par Pierre de Andria Traduction par un moine de Fontgombault, Nouvelles Editions Latines, 1978

dition numrique http://docteurangelique.free.fr/livresformatweb/sermons/08avemaria.htm

mise en forme pour l'enregistrement audio par Salettensis Texte disponible http://www.scribd.com/doc/62213845 audio disponible http://www.archive.org/details/Saint_Thomas_d_aqui n_exposition_sur_ave_maria

1.

La salutation anglique comprend trois parties.

LAnge compose la premire. Voici ses paroles, daprs la Vulgate : Je vous salue, pleine de grce, le Seigneur est avec vous, Vous tes bnie entre les femmes (Luc 1, 28). La deuxime partie est luvre dElisabeth, la mre de saint Jean-Baptiste ; celle-ci sexprima ainsi : Bni est le fruit de vos entrailles (Luc 1, 42). LEglise a ajout la troisime partie : Marie. LAnge, en effet, na pas dit : Je vous salue, Marie, mais : Je vous salue, pleine de grce. Ce nom de Marie, par sa signification, comme on le verra plus loin, sharmonise avec les paroles de lAnge Gabriel.

I JE VOUS SALUE 2. Dans lantiquit, lapparition des Anges aux hommes constituait un vnement dune trs grande porte et les hommes tenaient pour un honneur inestimable de pouvoir tmoigner aux Anges leur vnration. Aussi lEcriture loue-t-elle Abraham davoir donn des Anges lhospitalit et de les avoir traits avec beaucoup dhonneur. Mais quun Ange se ft inclin devant une crature humaine, on ne lavait jamais entendu dire, avant que lArchange Gabriel eut exprim sa vnration la Bienheureuse Vierge par ces paroles : Je vous salue. 3. Si, dans lantiquit, lhomme rvrait lAnge et lAnge ne rvrait pas lhomme, la raison en tait la supriorit de lAnge par rapport lhomme. Cette supriorit se manifeste de trois manires. Premirement, lAnge est suprieur lhomme en dignit, du fait de sa nature spirituelle. Il est crit en effet (Ps. 103, Vers. 4) : Dtres spirituels (et incorruptibles), Dieu a fait ses Anges. Mais lhomme, lui, est dune nature corruptible. Cest pourquoi Abraham disait Dieu (Gn 18, 27) : Je parlerai mon Seigneur, moi, cendre et poussire. Il ne convenait pas quune crature spirituelle et incorruptible rendt hommage une crature corruptible. En second lieu, lAnge surpasse lhomme par sa familiarit avec Dieu. LAnge, en effet, appartient la famille de Dieu ; il se tient auprs de lui. Des milliers de milliers dAnges le servaient et dix milliers de centaines de milliers dAnges se tenaient en sa prsence, est-il crit au livre de Daniel (7, 10). Mais lhomme, lui, est comme tranger Dieu, comme exil loin de sa face, par le pch, suivant cette parole du Psalmiste (Ps. 54, 8) : Je me suis loign de mon Dieu par la fuite. Il convient donc que lhomme honore lAnge, cause de sa proximit avec la Majest divine et de son intimit avec elle. En troisime lieu, lAnge est lev au dessus de lhomme, par la plnitude de la splendeur de sa grce divine. Les Anges, en effet, participent avec la plus grande plnitude la lumire divine elle-mme. Peut-on dnombrer les soldats de Dieu, dit Job (25, 3), et en est-il un seul sur lequel ne se lve sa lumire ? Aussi les Anges apparaissent-ils toujours lumineux. Les hommes, eux, participent bien cette lumire de la grce, mais avec parcimonie et comme dans un clair-obscur. 4. Il ne convenait donc pas que lAnge sinclint devant lhomme, jusquau jour o parut une crature humaine, surpassant les Anges par sa plnitude de grce (cf. nn 5 10), par sa familiarit avec Dieu (cf. n 10) et par sa dignit. Cette crature humaine fut la bienheureuse Vierge Marie. Pour reconnatre cette supriorit, lAnge lui tmoigna sa vnration par ces paroles : Je vous salue.

II PLEINE DE GRCE
[Il ne convenait donc pas que lAnge sinclint devant lhomme, jusquau jour o parut une crature humaine, surpassant les Anges par sa plnitude de grce (cf. nn 5 10), par sa familiarit avec Dieu (cf. n 10) et par sa dignit. Cette crature humaine fut la bienheureuse Vierge Marie. Dans ce paragraphe nous verrons le premier caractre qui la fait surpasser les anges : la Plnitude de grce et la B. V. la possde trois titres : -Quant la grce qu'elle reue en plnitude : puisque Dieu la donne pour deux motifs, savoir pour faire le bien et pour viter le mal. -Quant la manire dont elle l'a reue dans son me : en plnitude et elle se manifeste dans le rejaillissement de la grce de son me sur sa chair et sur tout son corps. -Enfin dans une plnitude comme surabondance : au point de rpandre de sa plnitude sur tous les hommes.

5.

Premirement, la Bienheureuse Vierge surpassa tous les Anges, par sa plnitude de grce.

Pour manifester cette prminence, lArchange Gabriel sinclina devant elle et lui adressa ces paroles : Vous tes pleine de grce, ce qui revenait lui dire : Je vous rvre, parce que vous me surpassez par votre plnitude de grce. 6. A. On peut envisager la plnitude de grce de la Bienheureuse Vierge de trois manires. En premier lieu, son me possde toute la plnitude de la grce.

Dieu donne la grce pour deux motifs, savoir pour faire le bien et pour viter le mal. A ce double point de vue, la Bienheureuse Vierge fut favorise de la grce la plus parfaite. a) Car elle vita le pch, mieux que tout autre saint, aprs le Christ. Le pch en effet est soit originel soit actuel, mortel ou vniel. La Vierge fut prserve du pch originel, ds le premier instant de sa conception, et elle demeura toujours trangre tout pch mortel ou vniel. Aussi est-il dit son sujet dans le Cantique des Cantiques (4, 7) : Vous tes toute belle, mon amie, et sans tache aucune. Hormis la Sainte Vierge, dit saint Augustin dans son livre de la nature et de la grce, tous les saints et les saintes, durant leur vie terrestre la question suivante : tes-vous sans pch ? se seraient cris dune voix unanime : Si nous disions : Nous sommes sans pch (cf. 1 Jn 1, 8), nous nous tromperions nousmmes et la vrit ne serait pas en nous. La Vierge sainte, elle, fait exception. Pour lhonneur du Seigneur, quand il sagit du pch, je veux quil ne soit jamais question dElle. Nous le savons en effet, elle il fut donn une grce plus abondante pour triompher compltement du pch. Elle mrita de concevoir Celui qui assurment ne fut souill daucune faute. Mais le Christ surpassa la Bienheureuse Vierge. Sans doute, lun et lautre furent conus et naquirent sans le pch originel. Mais Marie, contrairement son Fils, y tait soumise de droit. Et si elle en fut de fait totalement prserve, ce fut par une grce et un privilge singulier du Dieu ToutPuissant, et en vue des mrites de son Enfant, Jsus-Christ, Sauveur du genre humain.

7.

b) La Vierge accomplit galement les uvres de toutes les vertus.

Les autres saints excellrent en quelques-unes dentre elles. Celui-ci fut humble, celui-l fut chaste, cet autre misricordieux. Aussi les offre-t-on comme modles de ces vertus particulires. Par exemple, on prsente saint Nicolas comme modle de la misricorde. Mais la Bienheureuse Vierge, elle, est le modle et lexemplaire de toutes les vertus. En Elle, vous trouvez un modle dhumilit. Ecoutez ses paroles (Luc 1, 38) : Voici la servante du Seigneur. Et encore (Luc 1, 48) : Le Seigneur a regard la bassesse de sa servante. Elle est aussi un modle de chastet ; de son propre aveu en effet elle ne connat pas dhomme (cf. Luc 1, 34). Et comme il est facile de le constater, elle donne lexemple de toutes les vertus. La Bienheureuse Vierge est donc pleine de grce et pour faire le bien et pour viter le mal. 8. B. En deuxime lieu, la plnitude de grce de la Vierge sainte se manifeste dans le rejaillissement de la grce de son me sur sa chair et sur tout son corps. Que les saints jouissent dune grce suffisante pour la sanctification de leur me, cest dj un grand bienfait. Mais lme de la Bienheureuse Marie, elle, possde une plnitude de grce telle quelle rejaillit de son me sur sa chair, et que, de cette mme chair, elle conut le Fils de Dieu. Parce que lamour du Saint-Esprit, dit Hugues de Saint-Victor, brlait dans le cur de la Vierge avec une ardeur singulire, il oprait clans sa chair des merveilles si grandes, que dElle naquit un Homme-Dieu, conformment au message de lAnge cette Vierge sainte (Luc 1, 35) : Un Enfant saint natra de vous et sera appel Fils de Dieu. 9. C. En troisime lieu, la Bienheureuse Vierge fut pleine de grce, au point de rpandre de sa plnitude sur tous les hommes. Que chacun des saints possde une grce suffisante au salut de beaucoup dhommes, cest chose considrable. Mais si un saint tait dot dune grce capable de sauver toute lhumanit, il jouirait dune abondance de grce insurpassable. Or une telle plnitude existe dans le Christ et dans la Bienheureuse Vierge. En tout pril, en effet, vous pouvez obtenir le salut de cette glorieuse Vierge. Cest pourquoi lEpoux, dans le Cantique des Cantiques (4, 4), lui chante : Votre cou est pareil la tour de David, btie pour serrer les armes ; mille boucliers, cest--dire mille remdes contre les dangers, y sont suspendus. En toute action vertueuse galement, vous pouvez bnficier de son aide. Car en moi, dit-elle, vous trouverez toute lesprance de la vie et de la vertu (Ecclsiastique 24, 25). Marie 10. La Vierge, pleine de grce, surpasse donc les Anges, par sa plnitude de grce. Cest pourquoi elle est appele Marie juste titre. Ce nom signifie en effet illumine intrieurement . Aussi Marie sappliquent parfaitement les paroles dIsae (58, 11) : Dieu remplira votre me de ses splendeurs. Le nom de Marie veut dire galement illuminatrice des autres dans tout lunivers. Cest pourquoi Marie est bon droit compare au soleil et la lune (cf. Cant 6, 9).

[Il ne convenait donc pas que lAnge sinclint devant lhomme, jusquau jour o parut une crature humaine, surpassant les Anges par sa plnitude de grce (cf. nn 5 10), par sa familiarit avec Dieu (cf. n 10) et par sa dignit. Cette crature humaine fut la bienheureuse Vierge Marie. Dans ce paragraphe nous verrons le premier caractre qui la fait surpasser les anges : la Plnitude de grce et la B. V. la possde trois titres : -Quant la grce qu'elle reue en plnitude : puisque Dieu la donne pour deux motifs, savoir pour faire le bien et pour viter le mal. -Quant la manire dont elle l'a reue dans son me : en plnitude et elle se manifeste dans le rejaillissement de la grce de son me sur sa chair et sur tout son corps. -Enfin dans une plnitude comme surabondance : au point de rpandre de sa plnitude sur tous les hommes.]

II
LE SEIGNEUR EST AVEC VOUS

11.

En second lieu, la sainte Vierge surpasse les Anges par son intimit avec le Seigneur.

LArchange Gabriel reconnut cette supriorit, lorsquil lui adressa ces paroles : Le Seigneur est avec vous. Ctait dire la Vierge : Je vous vnre et je confesse que vous tes plus proche de Dieu, que je ne le suis moi-mme : Le Seigneur, en effet, est avec vous. [seigneur entend trois choses] Le Seigneur Pre est avec Marie, puisquil ne se spare pas de celui qui est son Fils et que Marie le possda comme nulle crature, ft-elle anglique. Dieu en effet lui envoya dire par lArchange Gabriel (Luc 1, 35) : LEnfant saint qui natra de vous sera appel Fils de Dieu. Le Seigneur Fils est avec Marie, puisquil repose en son sein. Aussi on peut lui appliquer, elle, mieux qu toute autre crature, ces paroles dIsae (12, 6) : Exultez, Maison de Sion ; le saint dIsral en effet, est grand au milieu de vous. Le Seigneur ne demeure donc pas de la mme manire avec la Bienheureuse Vierge et avec les Anges. Il est avec elle, comme son Fils ; avec eux, il demeure, comme leur Seigneur. Le Seigneur Esprit-Saint est avec Marie, comme dans le Temple, o il opre. LArchange lui avait annonc (Luc 1, 35) : LEsprit-Saint viendra sur vous. Marie conut donc par leffet du Saint-Esprit ; aussi nous lappelons : Temple du Seigneur et Sanctuaire de lEsprit-Saint (cf. Liturgie des ftes de NotreDame). La bienheureuse Vierge Marie jouit donc dune intimit plus grande avec Dieu que la crature anglique. Avec elle, en effet, est le Seigneur Pre, le Seigneur Fils, le Seigneur Esprit-Saint, l Trinit toute entire. Cest pourquoi la sainte Eglise lui chante : Vous tes le digne Trne de toute la Trinit. Assurment cette parole : Le Seigneur est avec vous est la parole la plus noble, la plus louangeuse, qui puisse tre adresse la Vierge. Marie 12. La Vierge est, en effet, la Mre du Souverain Seigneur, et donc elle-mme Souveraine. Aussi ce nom de Marie qui, en syriaque, signifie prcisment Souveraine, lui convient-il parfaitement. III
PURET

13. En troisime lieu, la Vierge a surpass les Anges en puret. Non seulement, en effet, elle possda en elle-mme la puret, mais encore elle procura la puret aux autres. Et dautre part, elle fut parfaitement pure et de tout pch, car cette Vierge fut prserve du pch originel et elle ne commit aucun pch mortel ou vniel, et de toute peine, elle fut pure.
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IV EXPLICATION DE LA SALUTATION DE SAINTE ELISABETH VOUS TES BNIE ENTRE TOUTES LES FEMMES
[La salutation anglique comprend trois parties. LAnge compose la premire. La deuxime partie est luvre dElisabeth, et lEglise a ajout la troisime partie : Marie.]

14.

Trois maldictions furent en effet, cause du pch, portes par Dieu contre les hommes.

La premire fut prononce contre la femme. En vertu de cette maldiction, celle-ci devait porter ses enfants avec peine et les enfanter dans la douleur. Mais la Bienheureuse Vierge ne fut pas soumise ces peines. Elle conut en effet le Sauveur sans corruption, le porta allgrement et lenfanta dans la joie. A Elle sapplique excellemment la parole dIsae (35, 2) : La terre germera, elle exultera, elle chantera des louanges. 15. La deuxime maldiction fut prononce contre lhomme : en voici la teneur (Gn 3, 19) : A la sueur de ton visage, tu mangeras ton pain. La Bienheureuse Vierge fut exempte de cette peine. Comme le dit lAptre, en effet (1 Co 7, 32-34) : Les Vierges sont affranchies des soucis de ce monde ; elles vaquent Dieu seul. 16. La troisime maldiction fut commune lhomme et la femme. En vertu de cette maldiction, lun et lautre doivent retourner la poussire. La Bienheureuse Vierge en a t galement prserve ; elle fut en effet enleve au ciel avec son corps. Nous croyons en effet quelle a t ressuscite aprs sa mort et emporte au ciel. Aussi lui applique-t-on trs justement ces paroles (Ps, 131, vers. 8) : Levez-vous, Seigneur, pour le lieu de votre repos, vous et larche de votre saintet. 17. La Vierge fut donc exempte de toute maldiction et Bnie entre les femmes (Luc 1, 28 et 42). Elle seule, en effet, leva la maldiction, apporta la bndiction et ouvrit les portes du paradis. A ce titre le nom de Marie lui convient. Marie signifie en effet Etoile de la mer . Comme les navigateurs, par ltoile de la mer, sont conduits vers le port, ainsi, par Marie, les chrtiens sont conduits vers la gloire.

LE FRUIT DE VOS ENTRAILLES EST BNI 18. Le pcheur cherche parfois dans quelque chose ou quelquun ce quil ne peut obtenir, mais que le juste, lui, obtient. La richesse du pcheur est garde pour le juste, disent les Proverbes (13, 22). Ainsi Eve rechercha un fruit, sans trouver en lui la satisfaction de ses dsirs. La Bienheureuse Vierge, au contraire, trouva dans son fruit tout ce quEve dsira. 19. Eve, en effet, dsira dans son fruit trois choses.

Elle dsira y trouver dabord sa dification et celle dAdam, promise mensongrement par le diable. Vous serez comme des dieux, connaissant le bien et le mal, lui dit ce menteur (Gn 3, 5). Le diable mentit, parce quil est menteur et pre du mensonge (cf. Jn 8, 44). Et par la manducation du fruit, Eve, loin de devenir semblable Dieu, lui devint dissemblable. Par son pch, en effet, elle sloigna de Dieu, son Sauveur, et cest pourquoi elle fut expulse du paradis. La Vierge bienheureuse, au contraire, trouva sa dification dans le fruit de ses entrailles.
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Par le Christ, en effet, nous nous unissons Dieu et lui devenons semblables. Lorsque Dieu se manifestera, dit saint Jean (1 Jean 3, 2), nous lui serons semblables, parce que nous le verrons tel quil est. 20. Eve, en second lieu, dsira trouver dans son fruit la joie de la dlectation, car, dit la Gense (3, 6), ce fruit tait bon manger. Mais elle ne ly trouva pas ; ds quelle leut mang en effet, elle prit conscience de sa nudit et la douleur entra dans sa vie. Dans le fruit de la Vierge, au contraire, nous trouvons la suavit et le salut. Celui qui mange ma chair, dit en effet le Seigneur (Jn 6, 5), possde la vie ternelle. 21. En troisime lieu, enfin, le fruit dEve tait sduisant voir (Gn 3, 6). Mais combien plus beau est le fruit de la Vierge, sur lequel les Anges dsirent plonger leur regard (cf. 1 Pierre, 1, 12). Cest le plus beau des fils des hommes, dit le Psalmiste (Ps 44, 3), parce quil est, dclare saint Paul (He 1, 3), la splendeur de la gloire de son Pre. Eve ne put donc trouver dans son fruit ce quaucun pcheur ne trouvera dans ses pchs. Aussi tout ce que nous pouvons dsirer, recherchons-le dans le fruit de la Vierge. [sta expose la triple bndiction de ce fruit de la Vierge] 22. Ce fruit de la Vierge Marie est bni de Dieu. Dieu, en effet, la tellement rempli de grce, que sa venue nous rend dj honneur Dieu. Bni soit Dieu et le Pre de Notre Seigneur Jsus Christ, dclare saint Paul (Eph 1, 3), dans le Christ, il nous a bnis de toutes les bndictions spirituelles. Ce fruit de la Vierge est bni des Anges. LApocalypse (7, 11-12) nous montre, en effet, les Anges, tombant la face contre terre et adorant le Christ, par ces chants : La louange, la gloire, la sagesse, laction de grces, lhonneur, la puissance et la force soient notre Dieu dans les ternits dternits. Amen. Le fruit de Marie est aussi bni des hommes car, dit lAptre, toute langue confesse que Jsus-Christ est Seigneur, la gloire de Dieu le Pre. (Cf. Phil 2, 11). Et le Psalmiste lui-mme (Ps. 117, 26) le salue en ces termes : Bni soit celui qui vient au nom du Seigneur.

Ainsi donc la Vierge est bnie, mais son fruit lest encore bien davantage.

INTRODUCTION A LDITION FONTGOMBAULT, 1978 Le tmoignage de ses contemporains, au nombre desquels il faut compter plusieurs de ses Frres en religion, nous apprend quun an avant sa mort, depuis le Dimanche de la Sexagsime, 12 fvrier 1273, au jour de Pques, 9 avril, saint Thomas dAquin se consacra avec beaucoup de zle linstruction des fidles, dans lglise conventuelle de saint Dominique, Naples. Il y donna successivement des sermons sur le Symbole des Aptres, lOraison dominicale, la Salutation anglique, sur les deux prceptes de la charit et les dix commandements de la loi. Le lien qui unit ces diffrents sujets napparat pas premire vue ; mais le saint Docteur prit la peine de le montrer ses auditeurs. Il y a, leur dit-il, trois choses ncessaires il lhomme pour son salut. La premire est la connaissance de ce quil doit croire, la seconde la connaissance de ce quil doit dsirer, la troisime la connaissance de ce quil doit accomplir. Lhomme apprend la premire de ces connaissances dans le Symbole des Aptres. Il est instruit sur ce quil doit dsirer dans lOraison dominicale ; les deux prceptes de la charit et les dix commandements de la loi le renseignent sur cc quil doit accomplir. Lensemble de ces sermons constituent une vritable catchse prbaptismale. Le Pre Tocco, dominicain, qui assistait aux prdications, rapporte quelles attiraient chaque fois un grand concours de peuple ; la foule coutait le Bienheureux avec vnration, comme si la parole ft venue de Dieu mme. La seule vue de son maintien produisait une impression profonde. Daprs Jean Blasio, juge de Naples, il donna ses deux sermons sur la salutation anglique, les yeux ferms ou levs au ciel lair extatique. Les nombreux auditeurs du saint, lors de ce Carme de 1273, appartenaient toutes les classes sociales. Aussi ne leur adressait-il pas la parole en latin, mais en italien. Le texte latin, qui nous est parvenu, des sermons de saint Thomas, nest donc pas un texte original, mais seulement un rsum. Et il nest pas certain que le saint les ait crits lui-mme de sa main, ni mme quil les ait eus sous les yeux pour y apporter prcisions et corrections. Pourtant tous les auteurs, qui en ont parl (Mandonnet, Michelitisch, Grabman, ... Walz) affirment unanimement leur authenticit. Tous assurent quils expriment fidlement la pense du saint Docteur. Lorigine du texte explique que lon y trouve parfois des obscurits dans lexpression et que lon ne discerne pas toujours parfaitement le lien qui unit les penses. Les citations de lEcriture sainte sont fort nombreuses et il nest pas rare que leur rapport avec le contexte ne paraisse pas clairement. Pour rendre la lecture de la traduction plus aise et plus coulante, nous navons pas hsit supprimer quelques-unes de ces citations, toutes les fois que leur rapport avec le contexte ntait pas assez perceptible. Pour la mme raison, toutes les fois o cela nous a paru ncessaire, nous avons cherch exprimer plus explicitement le mouvement de la pense de saint Thomas, soit en dveloppant ce que dans sa concision le texte latin ne faisait que suggrer, soit mme en modifiant lordre matriel des propositions. Nous avons adopt cette faon de procder pour entrer dans lesprit qui prside cette collection et atteindre le but particulier qui lui a t assign (cf. le premier volume de la Collection Docteur commun, par M. Jean Madiran, Les principes de la ralit naturelle , pp. 15 et suivantes). De toute faon, les lecteurs qui entendent le latin pourront toujours sy rfrer. Les diffrentes ditions ont runi les sermons en quatre opuscules, qui ont pour titres : Explication du Symbole des Aptres ou Sermons sur le Je crois en Dieu ; Explication de lOraison dominicale ou Sermons sur le Notre Pre Explication de la Salutation anglique ou Sermons sur le Je vous salue Marie ; Sermons sur les deux prceptes de la charit et les dix commandements de la loi.

Parlant de la salutation anglique, dans son Trait de la dvotion la sainte Vierge, saint Grignon de Montfort crit : Peu de chrtiens, mme clairs, connaissent le prix, le mrite, lexcellence et la ncessit de lAve Maria. LAve Maria est la plus belle prire aprs le Notre Pre . Cest le plus beau compliment que vous puissiez faire Marie, puisque cest le compliment que le Trs-Haut lui envoya faire par un Archange, pour gagner son cur ; et il fut si puissant sur son cur, par les charmes secrets dont il est plus plein, que Marie donna son consentement lIncarnation du Verbe, malgr sa profonde humilit. Cest par ce compliment que vous gagnerez infailliblement son cur, si vous le dites comme il faut, cest--dire avec attention, dvotion et modestie . Nous pourrions ajouter : avec intelligence, ce qui demande que nous nous efforcions de comprendre, de notre mieux, le sens profond des paroles, que nous prononons. La lecture des explications du Docteur anglique nous y aidera grandement. Ds le dbut de son commentaire sur la Salutation anglique, saint Thomas nous donne son plan. Le voici en rsum : 1. EXPLICATION DE LA SALUTATION DE SAINT GABRIEL Je vous salue (nn 2, 3, 4), Pleine de grce (nn 5, 6, 7, 8, 9), Le Seigneur est avec vous (n. 10), Vous tes bnie entre les femmes (nn 12, 13, 14). 2. EXPLICATION DE LA SALUTATION DE SAINTE LISABETH. Le fruit de vos entrailles est bni (nn 16, 17, 18). 3. EXPLICATION DU MOT MARIE, introduit dans le Je vous salue Marie par lEglise (nn 10, 12, 17).

Si le saint Docteur vivait notre poque, il apporterait, comme nous lavons fait par nos sous-titres, une lgre modification son plan. Suivant la version de la Vulgate en effet, il attribue saint Gabriel les paroles : Vous tes bnie entre les femmes. Or, daprs les meilleures versions de lEvangile de saint Luc cette louange na pas t formule par lArchange saint Gabriel, mais, comme la suivante, par sainte Elisabeth. Daprs lopinion la plus admise, il faut attribuer au pape Urbain VIII lintroduction du nom de Jsus dans la salutation anglique. Ce Pontife a rgn de 1261 1264 et cependant saint Thomas, dans son explication de lAve, bien quelle date de 1273, ne fait pas mention du nom de Jsus. Mais il en a parl diverses reprises, en particulier dans sa Somme thologique (IIIa, q.37, a.2, c.). Il ne semble pas avoir connu davantage la deuxime partie du Je vous salue Marie , telle que nous la rcitons aujourdhui. Cette deuxime partie sest constitue peu peu. Au XII sicle, on en trouve une bauche dans une hymne attribue Gottschalk, chapelain de lempereur Henri IV. Au xv" sicle, saint Bernardin de Sienne connaissait une rduction de cette deuxime partie : sainte Marie, priez pour nous, pauvres pcheurs. La formule actuelle tait en usage au XVI sicle ; elle fut consacre officiellement par son insertion, en 1568, au brviaire de saint Pie V. Comme beaucoup de scholastiques du XIII sicle, saint Thomas pensait, et il la pens jusqu la fin de sa vie, que la Sainte Vierge avait contract en acte le pch originel et quelle en avait t purifie ds le sein de sa mre. Il le dit deux reprises dans son explication de la salutation anglique (nn 6 et 7). A ces deux endroits, notre traduction volontairement nest plus une traduction ; car elle nexprime pas le sens du texte latin, mais ce qui est la foi de la sainte Eglise et ce que contemple actuellement le saint Docteur dans la vision batifique, savoir lImmacule Conception de la Bienheureuse Vierge Marie.

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