Méditation avec Le Traité de l'Amour de Dieu de St François de Sales 3 mai
CHAPITRE X
Que nous repoussons bien souvent l'inspiration et refusons d'aimer Dieu.
Nous dérobons les biens de Dieu, si nous nous attribuons la gloire de notre salut: mais nous déshonorons sa Miséricorde, si nous disons qu'elle nous a manqué. Nous offensons sa libéralité, si nous ne confessons ses bienfaits; mais nous blasphémons sa bonté, si nous nions qu'elle nous ait assistés et secourus. En somme, Dieu crie haut et clair à notre oreille : Ta perte vient de toi, ô Israël, et en moi seul se trouve ton secours.
CHAPITRE XI
Qu'il ne tient pas à la divine Bonté que nous n'ayons un très excellent amour.
O Dieu! Théotime, si nous recevions les inspirations célestes selon toute l'étendue de leur vertu, qu'en peu de temps nous ferions de grands progrès en la sainteté! Pour abondante que soit la fontaine, ses eaux n'entreront pas en un jardin selon leur affluence, mais selon la petitesse on grandeur du canal par où elles y sont conduites.
Quoique le Saint-Esprit, comme une source d'eau vive, aborde de toutes parts notre coeur, pour répandre sa grâce en icelui; toutefois, ne voulant pas qu'elle entre en nous, sinon par le libre consentement de notre volonté, il ne la versera point que selon la mesure de son plaisir et de notre propre disposition et coopération, ainsi que le dit le sacré concile, qui aussi, comme je pense, à cause de la correspondance de notre consentement avec la grâce, appelle la réception d'icelle réception volontaire.
En ce sens, saint Paul nous exhorte de ne point recevoir ta grâce de Dieu en vain. Car comme un malade, qui ayant reçu la médecine en sa main, ne l'avalerait pas dans son estomac, aurait voirement reçu la médecine, mais sans la recevoir: c'est-à-dire, il l'aurait reçue en une façon inutile et infructueuse; de même nous recevons la grâce de Dieu en vain, quand nous la recevons à la porte du coeur, et non pas dans le consentement du coeur.
Car ainsi nous la recevons sans la recevoir, c'est-à-dire, nous la recevons sans fruit, puisque ce n'est rien de sentir l'inspiration, sans y consentir. Et comme le malade auquel on aurait donné en main la médecine, s'il la recevait seulement en partie, et non pas toute, elle ne ferait aussi l'opération qu'en partie, et non pas entièrement; ainsi quand Dieu nous envoie une inspiration grande et puissante pour embrasser son saint amour, si nous ne consentons pas selon toute son étendue, elle ne profitera aussi qu'à cette mesure-là. Il arrive qu'étant inspirés de faire beaucoup, nous ne consentons pas à toute l'inspiration, ains seulement à quelque partie d'icelle, comme firent ces bons personnages de l'Évangile qui, sur l'inspiration que notre Seigneur leur fit de le suivre, voulaient réserver un d'aller premier (en premier lieu dabord) ensevelir son père, et l'autre d'aller prendre congé des siens.
Tandis que la pauvre veuve eut des vaisseaux vides, l'huile de laquelle Élisée avait miraculeusement impétré la multiplication, ne cessa jamais de couler; et quand il n'y eut plus de vaisseaux pour la recevoir, elle cessa d'abonder. A mesure que notre coeur se dilate, on pour mieux parler, à mesura qu'il se laisse élargir et dilater, et qu'il ne refuse pas le vide de son consentement à la Miséricorde Divine, elle verse toujours et répand sans cesse dans icelui ses sacrées inspirations, qui vont croissant, et nous font croître de plus en plus en l'amour sacré. Mais quand il n'y a plus de vide, et que nous ne prêtons pas davantage de consentement, elle s'arrête.