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Hier, dimanche 5 mai, Frigide Barjot était à Lyon pour la manif régionale. Ça ne s’est pas très très bien passé, c’est le moins qu’on puisse dire : à la tribune, elle a annoncé qu’elle demandait un référendum sur « Union civile ou loi Taubira ». Quand je l’ai entendue sur RTL, au hasard d’un zapping dans la voiture qui me ramenait de Rennes, j’ai hurlé. Ce que je ne savais pas, c’est qu’à Lyon ils ont fait pareil :

Si bien que Frigide s’en est allée, parce que « je ne suis pas venue à une manifestation contre l’union civile ». Dans l’absolu, c’est vrai, mais dans l’absolu rappelons aussi que nous tous qui sommes descendus dans la rue à sa suite, nous ne sommes pas venus dans une manifestation pour l’union civile, loin de là. Devons-nous alors la laisser seule à sa tribune, devant une place vide, à combattre seule pour quelque-chose que nous ne voulons pas ?

Il y a quelques jours déjà, Frigide avait évoqué ne pas être contre l’union civile. Suite à la levée de boucliers de beaucoup des manifestants, il avait été précisé que c’était son opinion personnelle, et nullement celle de la Manif pour tous, dont elle est porte-parole et égérie principale. Pourquoi a-t-elle alors eu besoin d’en parler en tribune, en « appelant » le pouvoir à se pencher sur cette question ? Un porte-parole est censé transmettre l’opinion du mouvement qu’il représente, pas les siennes propres… C’est en cela que Frigide a outrepassé son rôle une fois de trop hier.

De plus, il est clair que cette annonce est une erreur stratégique grave, qui repose avant tout sur une grave incompréhension des objectifs de l’adversaire. Croire que l’Union civile satisfera les militants LGBT est une erreur : c’est croire qu’ils ne demandent qu’une protection légale de leur couple. Or, cette protection, ils l’ont déjà : c’est le Pacs, et c’est les dispositions testamentaires qu’ils peuvent prendre pour par exemple que l’enfant de l’un soit mis sous la responsabilité de l’autre en cas de décès. Un nouveau dispositif de protection ne leur servirait donc à rien. Ce qu’ils veulent, c’est l’adoption, et donc ensuite la PMA et la GPA. (Je résume : la PMA sera accordée de fait aux couples de lesbiennes, puisqu’elle est autorisée aux couples mariés et stériles. La GPA suivra pour rétablir l’égalité entre couples de lesbiennes et couples d’homosexuels…) Et ce que certains veulent, c’est la disparition totale du mariage.

Un exemple récent, sur Twitter

Un exemple récent, sur Twitter, parmi beaucoup d’autres.

En enlevant au mariage le peu qui lui reste de crédibilité, comme ils l’ont fait avec la loi sur le divorce, puis celle sur l’avortement, puis avec la banalisation de la contraception, ils espèrent simplement qu’il meure de lui-même.

Partant de là, l’Union civile ne sera pas, contrairement à ce que semble croire Frigide, une victoire, mais seulement au contraire une marche de plus donnée aux ennemis du mariage, qui auront donc encore moins à lutter la prochaine fois. On les entend déjà : « On a déjà l’Union civile, pourquoi persistez-vous à nous refuser le mariage ? C’est quasiment la même chose, qu’est-ce que ça changerait pour vous ? En fait vous êtes homophobes, tout simplement… » Oh, dites, ça marche super bien. C’est fou.

En plus de ça, si le référendum est accepté et que l’Union civile passe, nous ne pourrons plus lutter ensuite : nous aurons eu ce que nous voulions… L’ami Walkelin le disait déjà très bien, c’est encore d’actualité. Le mouvement s’effondrerait donc de lui-même, aidé par ce que nos opposants ne manqueront pas de nous rappeler régulièrement : « Vous vouliez un référendum, vous vouliez l’Union civile, vous les avez, vous n’avez plus aucune raison de continuer à nous emmerder ». Et ils auront raison. Et nous aurons tout perdu : ils auront monté une marche de plus, et nous nous serons levés pour rien puisque le mouvement éclatera comme une baudruche crevée.

Ce qu’il faut faire aujourd’hui, c’est marteler que le combat ne concerne pas que le mariage pour tous mais porte sur une vision de l’homme qui s’oppose à celle d’un simple rouage de plus dans l’économie, qui devient la seule entité importante. C’est étendre le champs de la lutte, c’est réfléchir à cette vision de l’homme, c’est communiquer dessus, c’est… tout ce dont je parlais déjà ici, et bien plus encore…

Si on fait ainsi, alors la promulgation de la loi par Hollande ne sonnera pas la fin de la guerre, mais seulement d’une bataille. Et il restera ensuite tout à faire.

Au contraire, la démarche de Frigide est de faire de ce combat l’entièreté de la guerre : elle semble penser qu’il faut tout faire pour ne surtout pas perdre ce combat, quitte à proposer un moindre mal, quitte à se compromettre avec n’importe qui, quitte à rejeter ceux qui voient plus loin. Le problème, c’est que quand on perdra cette bataille, on aura l’impression d’avoir perdu la guerre. Et donc on cessera de lutter. Et donc on perdra la guerre.

Chère Frigide, permettez-moi ici de vous remercier pour tout ce que vous avez fait jusqu’à maintenant : vous avez réussi à nous lancer dans la rue, vous nous avez fait prendre conscience que nous existons, que nous sommes nombreux, que nous avons des idées, que nous savons les mettre en œuvre ; vous nous avez fait nous rencontrer pour construire des choses ensemble, pour réfléchir ensemble au monde dans lequel nous voulons vivre, et aussi pour simplement partager des bières ou de la musique entre nouveaux amis, ce qui est très important aussi. Vous avez eu des intuitions que vous avez imposées et qui ont payé.

Vous nous avez réveillés, et nous avez donné envie de ne pas nous rendormir tout de suite.

Vous avez donné de votre personne plus que personne dans ce combat, et nous n’avons pas le droit de l’oublier.

Aujourd’hui, il est temps de vous reposer, de laisser des gestionnaires et des politiques prendre les commandes de cette gigantesque machine que vous avez créée mais que vous ne pouvez plus diriger, parce qu’elle vous dépasse. Ne faites pas l’erreur de vouloir à tout prix marquer ce combat de votre empreinte, comme certains ministres veulent à tout prix marquer leur mandat d’une grande réalisation, fut-ce au prix de la cohérence ou au détriment de leurs concitoyens.

Acceptez que ce combat puisse être perdu malgré tout, et préférez une défaite qui nous inspire pour la suite du combat à une victoire qui nous passe l’envie de continuer à nous battre.

Ce n’est pas moi qui vous le demande, après tout vous ne me connaissez qu’à peine et mon avis doit peser dans vos choix autant que ceux de Nabila dans les miens, c’est la cohérence et la logique qui vous le demandent, c’est ce combat que nous menons depuis le début, et vous avant la plupart d’entre nous, qui l’exige.