Symbole de contestation, le salut à trois doigts de "Hunger Games" adopté par les Birmans

M.D.
Publié le 8 février 2021 à 19h12
Un manifestant birman en train d'effectuer le salut à trois doigts en signe de contestation.
Un manifestant birman en train d'effectuer le salut à trois doigts en signe de contestation. - Source : STR / AFP

SYMBOLE - Le salut aux trois doigts levés du film "The Hunger Games", popularisé lors du mouvement de contestation en Thaïlande en 2014, a été repris par de nombreux manifestants birmans ce week-end. Ce geste est devenu le symbole de l'aspiration à plus de démocratie.

Trois doigts levés en signe de défiance. Devenu synonyme de contestation, ce geste symbolique, emprunté à la saga Hunger Games, a été brandi par de nombreux Birmans ce week-end lors des manifestations pour dénoncer le coup d’État qui a conduit au renversement, le 1er février dernier, de la dirigeante Aung San Suu Kyi. L'armée a mis brutalement fin à la fragile transition démocratique du pays et depuis une semaine, les appels à la désobéissance civile se multiplient, de la capitale Rangoon à Mandalay, où des centaines d'opposants, notamment des jeunes, ont défilé dans les rues en faisant ce geste de résistance.

Le fameux "salut aux trois doigts levés", comme on le nomme communément, avait été popularisé en Thaïlande après le coup d’État militaire en 2014. Les manifestants s'en servaient comme signe de protestation à l’encontre de la junte pour dénoncer la dictature en place. Un jeune opposant, probablement fan du blockbuster hollywoodien dont le second volet venait de sortir dans le pays, aurait alors utilisé ce symbole lors d’un rassemblement devant un centre commercial. "Quand cette personne a commencé, d'autres ont rapidement suivi", se souvient Sirawith Seritiwat, un militant pro-démocratie thaïlandais qui était présent ce jour-là, cité par le Guardian. "À l'époque, la situation ressemblait à des scènes du film Hunger Games.", explique-t-il. 

L'origine de ce geste symbolique

Dans le monde post-apocalyptique des Hunger Games, les habitants sont contraints de participer à un jeu télévisé dont un seul participant doit sortir vivant. Les personnages utilisent ce salut comme un signe de remerciement, d'admiration et d'adieu à quelqu'un qu'ils aiment. Mais ce geste devient ensuite un symbole de révolte contre leurs riches oppresseurs qui vivent dans une capitale protégée par une armée. Ceux qui font ce geste en public s'exposent alors à de grands risques : dans le deuxième tome de la trilogie, par exemple, un homme est abattu sous les yeux des héros pour avoir levé les trois doigts.  Pour les manifestants, ce signal symbolise l'aspiration à plus de démocratie et la volonté de mettre fin aux inégalités.

Face à l'ampleur du phénomène, les autorités thaïlandaises avaient fait interdire ce geste et son usage avait même conduit à l’interpellation de plusieurs manifestants, rapportait à l’époque le journal Bangkok Post. Certaines salles de cinéma en Thaïlande avaient également arrêté de projeter le troisième volet de la saga, qui était sorti la même année, de peur d'apparaître comme des partisans aux mouvements de protestation. En apprenant la nouvelle, le réalisateur américain Francis Lawrence avait fait part de sa consternation. "Quand des gens sont arrêtés pour avoir repris une scène de votre film, c'est troublant", confiait-il en 2014 dans un entretien au journal australien Sydney Morning Herald.

De Bangkok à Rangoon, en passant par Hong Kong

De Thaïlande, le salut aux trois doigts levés s'était ensuite répandu comme une traînée de poudre jusqu'à Hong Kong, au moment de la "révolution des parapluies" de novembre 2014. Des dizaines de milliers de manifestants étaient descendus dans la rue pour réclamer davantage de démocratie et la modification du mode de scrutin censé désigner le chef de l'exécutif local. Ce fût également le cas plus récemment à Taïwan, lors de manifestations pour dénoncer l'autoritarisme chinois. En revanche, c'est la première fois que ce signe de ralliement est utilisé par les militants pro-démocratie birmans. Le phénomène témoigne cependant de l'ouverture croissante vers l'extérieur de la population du pays notamment par le biais d'Internet. Les militaires ont d'ailleurs coupé son accès dans tout le pays pour tenter de faire taire la contestation en ligne.


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